Vacances scolaires, jours fériés… Contre l’avis du gouvernement, le Sénat a adopté mardi une proposition de loi pour limiter les grèves dans les transports pendant certaines périodes, suscitant un débat très abrasif à quelques mois des Jeux olympiques. Mesures nécessaires pour «assurer la continuité du service», ou «attaques délibérées contre le droit de grève»? Les clivages ont été ravivés entre la gauche, farouchement opposée au texte, et la majorité sénatoriale de la droite et du centre, parvenu sans surprise à le faire adopter à 211 voix contre 112.

«Trop, c’est trop. Nos concitoyens n’en peuvent plus», a lancé le chef des sénateurs centristes Hervé Marseille, auteur de cette proposition de loi déposée en février, alors qu’au moins 150.000 voyageurs avaient vu leur départ en vacances perturbé par une mobilisation des contrôleurs de la SNCF. «Face aux excès», il faut «rétablir un équilibre entre droit de grève et continuité du service», a-t-il ajouté.

Le texte du patron de l’UDI octroie au gouvernement un quota de 30 jours par an durant lesquels les «personnels des services publics de transports» – excepté le secteur aérien – seraient privés de leur droit de grève, avec une limite de 7 jours d’affilée par période d’interdiction. Ces jours sanctuarisés ne concerneraient que certaines périodes: vacances scolaires, jours fériés, élections et référendums ainsi que des événements «d’importance majeure», comme les JO. Et l’interdiction de faire la grève serait limitée aux seules heures de pointe et aux personnels indispensables au fonctionnement du service.

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«Nous disons oui au droit de grève mais non au blocage absolu de tout un pays», a affirmé le rapporteur Philippe Tabarot (Les Républicains). «Ce n’est pas possible, pendant les Jeux olympiques, de prendre en otage des milliers de Français qui se sont sacrifiés pour acheter des billets pour assister aux compétitions», s’est justifié son collègue Michel Savin, alors que plusieurs syndicats menacent de se mobiliser pendant cette période.

Le texte prévoit aussi d’allonger le délai de déclaration des grévistes de 48 à 72 heures, de rehausser le «niveau minimal de service» aux heures de pointe avec un processus de réquisitions sous conditions strictes, ainsi qu’un dispositif de caducité de certains préavis non suivis d’effet, pour lutter contre les «préavis dormants» qui courent parfois pendant plusieurs mois.

Autre mesure votée: celle qui impose aux salariés souhaitant faire la grève de rejoindre le mouvement dès le début de leur service et non en cours de journée. Une manière de lutter contre les «grèves de 59 minutes», moins coûteuses pour le salarié mais sources selon la droite d’une grande désorganisation. Ce débat avait été rouvert lors des vacances scolaires de février, notamment par la déclaration très commentée du Premier ministre Gabriel Attal qui avait déploré une «forme d’habitude» à la grève pendant certaines périodes et affirmé que si «la grève est un droit», «travailler est un devoir».

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Mais le ministre des Transports Patrice Vergriete s’est finalement opposé au texte, questionnant sa conformité avec la Constitution et refusant de «monter les Français les uns contre les autres, ceux qui ont les moyens de partir en vacances contre ceux qui se lèvent tous les matins pour aller au travail». Cette position risque de compliquer les chances d’une inscription du texte à l’Assemblée nationale à court terme. Certains membres de la majorité présidentielle ont néanmoins voté pour, comme les sénateurs Horizons qui siègent pour la plupart au groupe des Indépendants, ou leurs collègues du MoDem, affiliés au groupe centriste. Le groupe macroniste (RDPI) s’est abstenu.

L’ensemble de la gauche s’est opposé en bloc à ce texte, sans succès. «À trois mois des JO, c’est une provocation qui risque de mettre le feu aux poudres dans un contexte de grave crise sociale», s’est inquiétée la communiste Marie-Claude Varaillas. «La majorité sénatoriale tente de se réapproprier le droit aux vacances au nom de l’intérêt général», a renchéri le socialiste Olivier Jacquin, son collègue écologiste Guillaume Gontard dénonçant pour sa part «un texte qui s’assoit clairement sur notre Constitution et notre histoire». Ces derniers jours, la CGT transports avait aussi fustigé «l’élan de populisme» de la majorité sénatoriale, l’accusant de vouloir «mieux servir les intérêts du capital».