«C’est comme un abus de pouvoir : il se permet, parce que je suis en attente de ce rôle, de me voler un baiser», témoigne l’actrice Hélène Seuzaret dans une enquête à charge contre le Philippe Lioret publiée par Franceinfo mardi 9 avril. Le réalisateur français est accusé «d’abus de pouvoir» et de comportements déplacés dont des baisers volés. Les faits relatés se seraient passés à chaque fois dans le cadre d’attribution de rôle, entre 1990 et 2010. Une période pendant laquelle le cinéaste était en pleine ascension.
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L’homme 68 ans a commencé sa carrière dans le cinéma en tant qu’ingénieur du son en 1982 sur le tournage d’un film de Jean-Pierre Mocky. Il gardera ce rôle pendant neuf ans. En 1993, Philippe Lioret prend la double casquette de scénariste et réalisateur dans son premier film Tombés du ciel avec Jean Rochefort. Jusqu’en 2022, il réalisera douze longs-métrages et un court-métrage. En 2003 et 2004, son film L’Équipier lui permet de connaître une première reconnaissance de ses pairs avec la nomination d’Émilie Dequenne pour le César de la meilleure actrice dans un second rôle, Philippe Torreton pour le César du meilleur acteur et Nicola Piovani pour le César de la meilleure musique originale.
Philippe Lioret s’est fait connaître grâce à ses films Je vais bien, ne t’en fais pas en 2006 et Welcome en 2009. Le premier a atteint le million d’entrées en salle. Le réalisateur avait choisi de mettre en scène Mélanie Laurent, Kad Merad et Julien Boisselier. Adapté du roman d’Olivier Adam, le film avait été nommé dans trois catégories lors de la 32e édition de la cérémonie des Césars. Kad Merad avait remporté le César du meilleur acteur dans un second rôle et Mélanie Laurent, celui du meilleur jeune espoir féminin. Son film Welcome, chronique sur l’aide bénévole aux étrangers en situation irrégulière, avait été récompensé par le prix Lux 2009. Cette récompense est décernée par le Parlement européen grâce aux votes des députés et du public. Il avait également reçu dix nominations aux César en 2010, notamment pour celui de la meilleure réalisation et du meilleur scénario original. La même année il réalise Toutes nos envies, avec Vincent Lindon et Marie Gillain. Cette dernière sera nommée pour le César de la meilleure actrice.
En 2016, son film Le Fils de Jean sera bien accueilli par la critique et restera quatre mois dans les salles de cinéma. Son dernier film 16 ans, avec Sabrina Levoye, Teïlo Azaïs et Jean-Pierre Lorit, est peut-être celui de trop. Sorti en salle en janvier 2023, le film n’enregistre que 64.700 entrées.
Sur le plan politique, il fait parler de lui en 2015. Lors d’une interview sur France Inter en pleine crise des migrants, le réalisateur avait été questionné sur l’accueil des réfugiés syriens. Il avait répondu en faisant référence à la guerre des Six jours menée par Israël en 1967 : «Les Israéliens sont rentrés en Cisjordanie et à Gaza, ils ont spolié les Palestiniens. Est-ce que ça n’a pas été le début d’un truc terrible sur l’identité arabe qui aujourd’hui nous emmènerait à cette explosion d’intégrisme musulman ?» Un raccourci immédiatement jugé par son confrère Michel Hazanavicius qui lui avait répondu sur Facebook en l’invitant à revenir sur ses propos : «Il n’est jamais trop tard pour tard pour dire qu’on a dit une connerie.»
Les faits rapportés par les dix accusatrices se seraient produits au cours de séance de travail. Selon leurs déclarations, Philippe Lioret proposait aux actrices de leur donner la réplique et choisissait des scènes à caractère érotique. D’autres situations gênantes seraient intervenues au cours de rendez-vous donnés dans un café ou un restaurant.
Le cinéaste de 68 ans affirme n’avoir «jamais eu la sensation d’essayer d’abuser de qui que ce soit», se défend-il auprès de Franceinfo. «Philippe Lioret s’est toujours impliqué très personnellement dans les castings. C’est vraiment son truc, répond son avocate, Solange Doumic Il cherche à obtenir le meilleur des comédiens et des comédiennes qui passent des essais. Donc, c’est lui qui leur donne la réplique. Dans le casting de Toutes nos envies, il avait choisi une scène de tendresse parce qu’elle est cruciale», conclut l’avocate.