Léger frétillement chez certains, ce mardi 9 avril soir. Les Républicains ont donné rendez-vous aux militants (700 inscrits) et élus pour une nouvelle étape des états généraux organisés par le parti. Après le thème de l’écologie, la droite veut cette fois parler économie. Et ce, au Bridge, étrange lieu, mi-caverne, mi-boîte de nuit, situé sous le pont Alexandre III, dans le 8e arrondissement de Paris. Léger frétillement, donc, alors que l’on dispose les dernières coupes. « Vous avez vu, on a pris un demi-point », plaisante, un brin ironique, un cadre. Le dernier sondage Ifop-Fiducial pour Le Figaro, LCI et Sud Radio donne en effet François-Xavier Bellamy à 8%, contre 7,5, lundi. Il n’y a pas de petite victoire. « Mais la jurisprudence de 2019 dit qu’il n’y a pas de grande victoire non plus », souffle-t-on à droite.

Léger frétillement car, en pleine campagne européenne, LR croit enfin percer le mur du son sur le thème de la dérive des finances publiques. C’est tout du moins l’occasion de « donner un peu d’oxygène », souffle Othman Nasrou, directeur de campagne, qui observe une « petite dynamique ». « Je ne suis jamais optimiste car très prudent. Mais on voit une ouverture et on consolide une campagne sérieuse. » Nasrou espère ainsi que les électeurs de droite qui se sont « égarés » chez Emmanuel Macron « reviendront à la maison, chez nous, le seul parti du sérieux budgétaire ».

Il y a du retard (une heure), et certains invités s’impatientent. Pendant ce temps, les différents visages du parti défilent. Des sujets tout particuliers fleurissent. Dont la motion de censure, menace brandie par les ténors de LR depuis plusieurs semaines. L’on réfléchit à voix haute. Quand faut-il la déposer ? Avant ou après les européennes ? « C’est toute la question… », glisse-t-on dans l’entourage de Bellamy. « Éric Ciotti voudrait que ce soit avant les européennes, il pense que ça peut donner un souffle à la campagne », avance l’un de ses proches. Alors, qu’est-ce qui coince ? Certains ténors LR, et non des moindres, craindraient une dissolution. « Éric Ciotti pense que la question se posera de toute façon. Nos députés sont en place », affirme un proche.

La foule grouille, les places sont bientôt toutes occupées. Le patron de la droite est arrivé, lumière des caméras dans les yeux. Non loin de là, le président des jeunes LR, Guilhem Carayon, parle chiffres. « On peut faire 10% en prenant des électeurs chez Emmanuel Macron. Il y a 3 ou 4 points à chercher sur le thème de la bonne gestion mais aussi, l’insécurité. » L’objectif, affirme celui qui vise une place éligible sur la liste LR, « c’est d’être le 3e homme de l’élection », après Jordan Bardella (RN) et Valérie Hayer (Renaissance). Et au passage, d’ « enterrer les zemmouristes », estimant que Reconquête, « ça ne prend pas ».

Une musique retentit, de grands écrans s’allument, les projecteurs éclairent la scène. « Quel est le véritable bilan du Mozart de la finance ? », crache avec gravité une voix. « Une France sur le chemin de la Grèce, voilà le bilan du macronisme ». Là encore, voilà l’adversaire nommé. La « nuit de l’économie », organisée par le député européen et coordinateur des états généraux, Geoffroy Didier, commence. Parmi les élus, l’on aperçoit les parlementaires Annie Genevard, Véronique Louwagie, Philippe Juvin, le chef des députés LR, Olivier Marleix, et son homologue au Sénat, Bruno Retailleau. Et parmi les invités qui prennent les paroles, des chefs d’entreprise comme Pierre Danon. « C’est incroyable de faire voter le Parlement un budget basé sur des hypothèses insincères. » Ou encore, l’économiste Nicolas Baverez ; Éric Trappier, présent en tant que président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie mais aussi, PDG de Dassault* aviation.

La soirée s’est conclue par une prise de parole du patron de la droite, Éric Ciotti. « Dans deux mois, jour pour jour, les Français voteront. » Dressant un tableau noir de la situation économique de la France (dette 3100 milliards, balance commerciale déficitaire de 100 milliards, croissance insuffisante et excès de dépenses), le président LR estime que « sur tous les principaux indicateurs de notre santé économique et financière, le gouvernement multiplie les échecs » et déplore une « débâcle financière » et un « lynchage fiscal ». « Nous avons besoin d’une règle d’or budgétaire, qui doit être inscrite dans la Constitution », juge-t-il. Manière, précise Ciotti, de sanctionner l’insincérité du premier ministre et ministre des Finances par leur « destitution ». Le président LR a par ailleurs ciblé ce qui pourrait bien motiver le dépôt d’une motion de censure : « Pour Emmanuel Macron, la solution c’est l’impôt. (…) Nous ne l’accepterons pas. » « Nous proposons un chemin radicalement différent : plus d’efforts de l’État et plus de liberté pour les Français ».

Réforme de l’État en luttant contre les « dérives bureaucratiques », moins de normes et rationalisation du personnel administratif de l’État, « nous assumons de porter la nécessité d’une réforme de la fonction publique », poursuit-il, estimant qu’il faut des fonctionnaires « moins nombreux mais mieux payés ». Réforme de l’AME, réduction des dépenses relatives à l’immigration… Éric Ciotti a par ailleurs visé un « modèle social devenu obèse » qu’il faut « alléger ». « Nous voulons des Français libérés de la bureaucratie, des normes, des Cerfa, des impôts et des taxes », a-t-il martelé. Réindustrialisation, redressement économique, une Europe « moins naïve »… « Soyons le pays du sursaut, le pays de l’espérance », a lancé Éric Ciotti.

*Le groupe Dassault est propriétaire du Figaro.