Microsoft a annoncé mardi qu’il allait investir 2,9 milliards de dollars au cours des deux prochaines années au Japon afin de renforcer le développement de l’intelligence artificielle (IA) dans ce pays, actuellement en retard dans ce secteur technologique devenu crucial. Cet engagement coïncide avec la visite d’État du premier ministre japonais Fumio Kishida mercredi à Washington, qui a insisté sur la détermination de son pays à devenir une puissance majeure dans l’IA.
Microsoft s’est imposé l’année dernière comme un acteur essentiel de l’IA grâce à son partenariat avec OpenAI, la start-up qui a créé le célèbre agent conversationnel ChatGPT, au point de détrôner Apple en tant que plus grande entreprise au monde en termes de capitalisation boursière. «Il s’agit de l’investissement le plus important de Microsoft au cours de ses 46 ans d’histoire au Japon», a souligné Brad Smith, président de Microsoft, dans un communiqué.
L’accord comprend la fourniture de «ressources informatiques plus avancées», a-t-il détaillé, y compris des puces informatiques ultra-perfectionnées (des GPU), cruciales pour l’entraînement de modèles d’IA, et un renforcement des infrastructures de Microsoft dans le «cloud» (stockage informatique dématérialisé) au Japon. Le géant technologique américain s’est également engagé à investir dans la formation en IA de trois millions de travailleurs japonais au cours des trois prochaines années, et a annoncé l’ouverture de son premier laboratoire à Tokyo, Microsoft Research Asia, qui travaillera sur l’IA et la robotique.
Les États-Unis et le Japon ont aussi annoncé mardi deux partenariats de recherche dans l’IA entre des universités de leurs pays. Ces partenariats seront soutenus à hauteur de 110 millions de dollars par des entreprises privées, dont Microsoft, Nvidia et Amazon, ainsi que le japonais SoftBank Group et sa filiale britannique Arm.
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L’IA est de plus en plus perçue par des entreprises nippones comme un moyen d’améliorer la productivité du travail dans le pays, qui est parmi les plus faibles au sein des pays de l’OCDE, à cause notamment d’un marché nippon de l’emploi encore rigide et d’une culture d’entreprise hiérarchique reposant sur l’ancienneté. L’intelligence artificielle doit aussi aider à remédier à la pénurie de main-d’œuvre devenant de plus en plus critique dans de nombreux secteurs d’activité au Japon, à cause de son déclin démographique prononcé (près de 30% de sa population est âgée de 65 ans et plus).
L’an dernier le patron de SoftBank Group, Masayoshi Son, s’était alarmé du retard pris par le Japon dans l’IA et avait exhorté le pays à adopter résolument ces outils, sans quoi il risque selon lui de «rester sur le carreau» et de se transformer en «poisson rouge». Soulignant l’importance croissante de la cybersécurité dans un contexte de multiplication des failles et des piratages, Microsoft entend également collaborer avec le gouvernement japonais pour renforcer les cyberdéfenses du pays, une autre préoccupation majeure de Tokyo.
«L’éventail des menaces en termes de cybersécurité est devenu plus compliqué […]. Nous le constatons avec la Chine et la Russie en particulier, mais nous voyons aussi de plus en plus d’attaques au rançongiciel dans le monde», a déclaré Brad Smith au quotidien japonais Nikkei. Google a aussi ouvert le mois dernier un centre d’excellence en cybersécurité à Tokyo. Divers partenariats de recherche public-privé dans l’informatique quantique et l’ingénierie des semi-conducteurs avaient par ailleurs été annoncés entre les États-Unis et le Japon l’an dernier lors du sommet du G7 à Hiroshima (ouest), avec des contributions financières de grandes firmes américaines comme IBM, Google et Micron.
Le gouvernement japonais investit aussi très lourdement pour doper la production nationale de semi-conducteurs, un secteur où l’archipel s’est là aussi fait distancer ces dernières décennies par ses voisins taïwanais et sud-coréen. Une première méga-usine du géant mondial du secteur, le taïwanais TSMC, a notamment été inaugurée en février dans le sud-ouest du Japon, et le groupe a déjà confirmé qu’il comptait en bâtir une deuxième sur place.