Drame de Stéphanie Di Giusto, 1h55

Rosalie fait craindre le pire parce qu’il met en scène une actrice jouant une femme à barbe – le ridicule ne tue pas mais il fait parfois des blessés graves. Nadia Tereszkiewicz barbue, on y croit. C’est à mettre au crédit de la maquilleuse Mélanie Gerbeaux, spécialiste en pilosité artificielle (Benjamin Lavernhe en abbé Pierre, c’est elle). La barbe factice ne fait pas tout. L’actrice est pour beaucoup dans le naturel de sa Rosalie. Pulpeuse, sexy et jolie. Sa barbe n’entache en rien sa séduction, qui a autant à voir avec la gaieté qu’avec la beauté. Cela ne veut pas dire qu’une femme à barbe va de soi dans la France de 1870. Sa pilosité extrême est d’abord une maladie honteuse et secrète. Son visage et son corps sont recouverts de poils. Son père la rase chaque matin à l’abri des regards. Avant de la marier à Abel (Benoît Magimel), blessé de guerre au dos corseté, tenancier de café criblé de dettes, sans lui confier la vérité sur sa fille. Le mensonge est vite éventé dans la chambre à coucher. La dot ne suffit pas à faire avaler la pilule. Abel ne la touche pas, se console dans les bras d’une prostituée (Juliette Armanet). Mais Rosalie s’affranchit peu à peu en refusant de se raser. L’argument est d’abord d’ordre pécuniaire. La patronne à barbe attire les clients dans le café jusqu’ici peu fréquenté. Rosalie assume et s’assume. Bien sûr, les gens n’ont pas attendu les réseaux sociaux pour se montrer méchants. Ils la tolèrent de moins en moins à mesure que son mari l’aime de plus en plus. Abel et la bête ? Nulle bête chez ce couple gracieux dans ses étreintes fiévreuses. É.S.

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Documentaire de Sébastien Lifshitz, 1h44

Sylvie Hofmann est cadre infirmière depuis quarante ans à l’hôpital nord de Marseille. Elle a de la bouteille et de la gouaille. Elle a aussi un cœur gros comme ça. Elle peut avoir les nerfs en boudin mais ne monte jamais dans les tours. Sylvie s’est mariée jeune, a divorcé et élevé deux enfants. Sa fille a fait un arrêt cardiaque à l’âge d’un mois. Elle la ranime en pleurant. Le premier soin d’une longue série. Sébastien Lifshitz (Adolescentes, Petite fille) a trouvé un personnage haut en couleur et ne le lâche pas d’une semelle. Sylvie fait tout le sel d’un film conventionnel dans la forme, où la chronique du service alterne avec des scènes de vie privée et des interviews face caméra. Pas n’importe quel service. Sylvie travaille en oncologie. Le cancer est son ordinaire. Les soins palliatifs et les décès sont son quotidien. Pour pimenter la chose, Sylvie est dans sa dernière année avant la retraite. Il faut vraiment avoir un cœur de pierre pour ne pas écraser une larme le dernier jour de Sylvie à l’hôpital. É.S.

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Drame de Ryūsuke Hamaguchi, 1h46

Et puis quoi encore ? Ces gens de Tokyo se croient tout permis. Voilà qu’ils envisagent d’ouvrir un « glamping » (mélange de camping et de glamour) dans cette campagne retirée. Certains locaux ne l’entendent pas de cette oreille. L’établissement haut de gamme gênerait le trajet des cerfs. Il n’y a pas que ça. La fosse septique, à coup sûr, polluerait le ruisseau cristallin où les villageois remplissent leurs jerrycans. Ces habitudes ancestrales vont à l’encontre de la modernité de ces bobos en quête de racines qu’ils n’ont jamais eues. Une réunion oppose les habitants du coin et les communicants venus de la capitale. Entre eux, l’incompréhension est vive. Hamagushi (Drive My car) change de braquet. La vérité oblige à dire que ce changement de cap a de quoi dérouter. La beauté et la lenteur sont au rendez-vous; la fable écologique remplace les démêlés sentimentaux. Il n’est pas sûr qu’on y ait gagné quoi que ce soit. Le réalisateur hésite entre le conte et le réalisme, ne choisit pas vraiment entre poésie et suspense. Cela laisse un peu coi. É.N.

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