Emmanuel Macron va poser jeudi la première pierre d’une usine de poudre pour obus à Bergerac (Dordogne), nouvelle étape dans «l’économie de guerre » qu’il appelle de ses vœux pour répondre aux besoins de l’Ukraine et à la nouvelle donne géopolitique.

Le chef de l’État, attendu à 10H30 sur le site d’Eurenco, leader européen des poudres et explosifs, sera accompagné des ministres de l’Économie Bruno Le Maire et des Armées Sébastien Lecornu. Il rencontrera également les dirigeants de l’industrie française de l’armement sur le thème du réarmement, a indiqué l’Élysée sans autres précisions.

Emmanuel Macron exhorte les industriels de défense à accélérer le passage au «mode économie de guerre», c’est-à-dire à produire «plus et plus vite» pour continuer à soutenir activement l’Ukraine face à la Russie. En février, le chancelier allemand Olaf Scholz a aussi appelé à une production d’armements «à grande échelle» en Europe pour alimenter l’Ukraine en donnant le premier coup de pioche d’une usine d’obus de Rheinmetall.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a averti dimanche que son pays perdrait la guerre s’il ne recevait pas plus d’aide, au moment où la Russie accroît sa pression dans l’est du pays.

Une aide américaine de 60 milliards de dollars promise par le président Joe Biden reste bloquée au Congrès depuis des mois. Les Européens s’efforcent pour leur part d’augmenter leurs cadences de production et de trouver des ressources alternatives avec des achats de munitions hors UE.

Lors de ses vœux aux Armées en janvier à Cherbourg (Manche), le chef de l’État avait fustigé une «forme d’engourdissement satisfait» de l’industrie de défense avant l’invasion de l’Ukraine. «On ne peut laisser la Russie penser qu’elle peut gagner (…) Une victoire russe, c’est la fin de la sécurité européenne», avait-il alors martelé. La France entend également renforcer sa souveraineté en ramenant des capacités de production parties à l’étranger après la fin de la Guerre froide.

Héritier de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), Eurenco réintroduit sur le territoire national la production de poudre indispensable à la propulsion d’obus. Le site de Bergerac qui en produisait depuis 1915 avait été démantelé en 2007.

La nouvelle unité de production, qui entrera en service au premier trimestre 2025, pourra produire jusqu’à 1200 tonnes de poudre par an. Cette production permettra de remplir 500.000 charges modulaires – qui sont glissées dans le canon, derrière l’obus, pour le propulser – et qui commenceront à arriver dès le premier trimestre 2025 en Ukraine, a précisé l’Élysée.

Eurenco, créé en 2004 et détenu à 100% par l’État français, est un maillon crucial de l’industrie munitionnaire européenne, fournissant aussi bien le français Nexter que l’allemand Rheinmetall, le polonais PGZ ou le tchèque CSG.

Son carnet de commandes est rempli jusqu’en 2030. Il fabrique notamment les charges modulaires servant à propulser les obus dans les canons Caesar, fleuron de l’artillerie française, livrés à l’Ukraine.

Répondant à la forte demande suscitée par la guerre en Ukraine, le groupe, qui possède des sites en France, Suède, Belgique et aux États-Unis, va investir près de 500 millions d’euros entre 2024 et 2026 pour multiplier par dix sa production de poudres de gros calibre.

Il va aussi doubler sa capacité de production de charges modulaires en France, qui passera de 500.000 par an actuellement – grâce à l’importation de poudres de Suède – à 1,2 million en 2026.

Il a bénéficié pour cela d’une enveloppe de 76 millions d’euros de subventions européennes.