Confrontée à la baisse drastique du courrier, La Poste se réinvente et estime que dans dix ans, «la première activité des 65.000 facteurs» français sera la livraison de repas à domicile, une activité de diversification sur laquelle elle se positionne en force, avec le colis. «Nos missions de service public, nous les tenons» mais «elles sont sous tension» : Philippe Wahl, le PDG de La Poste interrogé mercredi par des sénateurs, a redonné quelques chiffres percutants pour dire la réalité du marché de la lettre. En 1990, «70% du chiffre d’affaires de La Poste» était porté par le courrier, un taux qui tombera «à 15% à la fin de l’année» 2024, a-t-il rappelé aux parlementaires de la commission des finances.
Une baisse considérable du courrier depuis dix ans qui a provoqué un trou de plus de 6 milliards d’euros dans le chiffre d’affaires de La Poste, soit «l’équivalent (de celui) de la RATP ou de Dassault Systèmes», a comparé Philippe Wahl. Ce changement d’habitude des Français a poussé le groupe à transformer son modèle pour devenir moins dépendant de son activité courrier. L’enjeu, c’est que les 65.000 facteurs de La Poste «restent au service du pays, même quand il n’y aura plus de lettres», a encore détaillé Philippe Wahl mercredi.
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Un «pari stratégique» que La Poste «est en train de gagner avec (la livraison) de colis et de repas», a rassuré Philippe Wahl. Aujourd’hui, l’activité colis «ne compense pas la lettre», mais Colissimo, Chronopost et DPD sont «de loin» les plus importants acteurs du marché en France, permettant à La Poste de prendre 67% de parts du marché domestique de la livraison de paquets. Outre le colis, La Poste se positionne en force sur le marché de la livraison de repas à domicile, un secteur porteur avec le vieillissement de la population, et qui permet aussi à La Poste de proposer un service de proximité.
En 2035, projette Philippe Wahl, «je pense qu’en France, (la livraison de) repas sera la première activité des facteurs». Essentiellement tourné vers les séniors, ce service s’opère via un partenariat avec les centres communaux d’action sociale (CCAS), les hôpitaux ou encore des restaurateurs spécialisés. La Poste livre aujourd’hui «plus de 15.000 repas par jour» pour un marché de 150.000 repas quotidiens, ce qui en fait «le premier opérateur», a affirmé Philippe Wahl. En 2023, elle en a livré 5 millions et entend doubler ce chiffre en 2024.
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Le PDG a été longuement interrogé par les parlementaires sur les fermetures des bureaux de poste, au nombre de 7.000 actuellement et de moins en moins fréquentés. «On est en concertation» avec les élus locaux sur cette question, a insisté Philippe Wahl, rappelant qu’un contrat liait La Poste à l’Association des maires de France. «Nous n’avons pas le droit de transformer un bureau de poste dans un QPV (quartier prioritaire de la politique de la ville, ndlr) si le maire n’est pas d’accord», a-t-il souligné.
Pour illustrer la baisse de fréquentation des points de contact de La Poste, Philippe Wahl a pris l’exemple des agences postales communales: «Dans 40% des cas de nos agences postales communales – notamment rurales – il y a moins de 5 personnes par jour». Sur la question de la proximité toujours, «on va lancer» les «camions jaunes», des bureaux itinérants multiservices en mode rural, a encore promis Philippe Wahl. Ces derniers devraient prendre la route fin avril, a précisé La Poste.
Enfin, Philippe Wahl a rappelé que la Poste se portera candidate à sa propre succession «d’opérateur postal». Le service universel postal – les prestations de base, dont la levée et la distribution six jours sur sept – a été confié à La Poste, mais son mandat s’achève fin 2025.