«On fait l’étape si eux la font en cabriolet»: amputée par la neige, la 16e étape du Tour d’Italie a donné lieu à un nouveau bras de fer entre coureurs menaçant de faire grève et organisateurs qui veulent maintenir la course coûte que coûte.
«Ridicule», un «cirque», des «dinosaures»: les coureurs n’ont pas mâché leurs mots envers les organisateurs de RCS mardi à Livigno, station de ski lombarde où devait s’élancer cette étape de montagne et où régnait une grande confusion au milieu des flocons de neige.
On savait depuis quelques jours que la météo risquait d’être mauvaise et le mythique col du Stelvio avait déjà été rayé du parcours. Lundi soir, alors que la menace s’intensifiait, RCS a publié un nouveau protocole comprenant trois options selon les conditions.
La deuxième, longtemps privilégiée, prévoyait que les coureurs puissent changer de vêtements au sommet du Giogo di Santa Maria, le «remplaçant» du Stelvio juché à 2.498 mètres d’altitude, où la course serait neutralisée pendant trois minutes.
Plusieurs coureurs et équipes qualifient aussitôt cette mesure de «ridicule» et de «clownesque».
La tension monte d’un cran encore mardi lorsque le syndicat de coureurs CPA publie une lettre, signée par «100% des coureurs» selon son président Adam Hansen, au directeur de la course Mauro Vegni qui menace d’une grève si le Giogo di Santa Maria n’était pas supprimé.
Mais la direction de la course reste inflexible, continuant à militer pour un départ à Livigno, ville qui paye cher pour accueillir le Giro. Elle propose même aux coureurs de monter le premier col «à blanc», course neutralisée. «Si c’est ça, on ne prendra pas le départ. On doit montrer notre unité pour l’avenir du cyclisme», fulmine Michael Valgren.
Le grimpeur français Valentin Paret-Peintre aussi proteste: «c’est ridicule. Soit ils (les organisateurs) n’ont jamais fait de vélo, soit ils n’ont pas réfléchi. On fait l’étape si eux la font en cabriolet.»
«Moi je peux courir s’ils le veulent, ajoute le maillot rose Tadej Pogacar, plus diplomatique. Mais j’espère qu’il n’y aura pas d’accident qu’on regrettera plus tard. Il faut respecter la sécurité des coureurs. La descente est vraiment dangereuse. Voyons ce qu’ils vont décider.»
Mais, alors que la pluie se transforme en neige, les discussions s’éternisent et personne ne sait quand et où aura lieu le départ, donnant lieu à des scènes ubuesques.
«On va faire des bonhommes de neige», s’amuse Julian Alaphilippe qui découvre le Giro, épreuve souvent soumise aux aléas de la météo en raison de sa place dans le calendrier.
À 11h52, RCS envoie finalement un communiqué annonçant que les coureurs allaient prendre le départ fictif à… 11h50 à Livigno, «histoire de faire des images» selon le coureur français Benjamin Thomas, avant de se rendre à vélo au nouveau départ à Prato allo Stelvio en passant par un tunnel, plutôt que par le col.
Mais à 11h50, aucun coureur ne se présente. Ils sont tous dans leurs voitures, le vélo sur la galerie de toit, prêts à se rendre au nouveau départ, mais au chaud et pas en pédalant.
Finalement, les coureurs ont gain de cause et le cortège motorisé se met en route pour le nouveau départ, prévu désormais à 14h25, laissant dans son sillage une impression de grandissime bazar.
«Le problème c’est qu’en montagne le climat peut changer très vite et qu’il faut attendre le dernier moment pour prendre une décision», se défend le directeur de la course Mauro Vegni estimant avoir trouvé «un compromis juste qui contente tout le monde».
Ce n’est pas vraiment l’avis de l’Australien Ben O’Connor, quatrième du classement général: «J’aimerais bien le voir à notre place. On est en 2024 et on a toujours des dinosaures incapables de prendre en compte le côté humain. C’est l’une courses les plus mal organisées au monde.»
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