«Elles n’ont absolument rien fait de mal, elles ont juste monté un spectacle et ça fait déjà un an qu’elles sont en prison», a dénoncé le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov à propos des deux artistes jugées pour «justification du terrorisme» à Moscou. Alors qu’il présentait son film Limonov , la ballade au 77e Festival de Cannes, le cinéaste a brandi des portraits des deux femmes devant les médias. Le cinéaste avait quitté la Russie après le début de la guerre en Ukraine.
La metteuse en scène Evguénia Berkovitch, 39 ans, ancienne élève de Serebrennikov, et la dramaturge Svetlana Petriïtchouk, 44 ans, avaient été arrêtées le 5 mai 2023 pour «justification du terrorisme» et sont jugées depuis lundi devant un tribunal de Moscou. Les deux femmes risquent 7 ans de prison. En entrant dans la salle d’audience, les deux femmes ont souri, selon un journaliste de l’AFP sur place. Les policiers présents ont interdit au public d’applaudir les accusées en signe de soutien.
Après une journée de délibérations, le procès a été ajourné jusqu’à mardi matin. L’avocate de l’une des deux accusées, Ksenia Karpinskaïa, a souligné auprès de l’AFP que leurs proches étaient «très affectés» par leur incarcération depuis plus d’un an.
À lire aussiRussie : début du procès de deux artistes risquant sept ans de prison pour une pièce de théâtre
L’accusation concerne un spectacle de 2020, Finist, le clair faucon, racontant l’histoire de Russes recrutées sur internet par des islamistes en Syrie et partant les rejoindre pour les épouser. «J’ai monté ce spectacle dans le but de prévenir le terrorisme», a déclaré Evguénia Berkovitch lundi devant le tribunal de Moscou. «Il se trouve que Genia (Evguénia ndlr) Berkovitch est une de mes anciennes élèves (…) et elle est en prison pour des accusations complètement inventées», a développé Serebrennikov à propos de cette artiste reconnue, qui s’était aussi publiquement exprimée contre l’offensive en Ukraine.
«Elles n’ont fait que de monter un spectacle qui, je le rappelle, a reçu un prix national de théâtre et le fait qu’elles soient accusées sans fondement, c’est du pur sadisme», a-t-il ensuite dit à l’AFP. Interrogé sur les manifestations en Géorgie contre une loi d’inspiration russe, qui vise les opposants, Serebrennikov a répondu être «enthousiaste» de ce mouvement populaire.
Il met en garde contre cette loi dite «contre l’influence étrangère» qui a provoqué en Russie une vague inédite de répression contre les ONG, les médias et la culture. Considéré comme un des artistes russes les plus audacieux de sa génération, le metteur en scène et réalisateur a profité un temps des faveurs du pouvoir. Devenu encombrant pour ses positions anti-conservateurs et pro-LGBT, il finit assigné à résidence en 2017. La sentence lui est signifiée en plein tournage de Leto, présenté à Cannes en 2018.
Le réalisateur met la dernière touche à un film qui adapte le livre d’Olivier Guez, La disparition de Josef Mengele , et réfléchit à ce que sera sa première œuvre post-invasion de l’Ukraine. «Tout ce que je fais aujourd’hui a une résonance politique, que je le veuille ou non je finis par être plongé dans cette guerre, dans la plus sanguinaire et la plus sale des politiques».