«Peut-être est-il temps de changer l’équation ?» Au lendemain de l’attaque inédite de l’Iran contre Israël, les médias israéliens s’interrogent. Comment réagir ? Faut-il riposter ? Ou faut-il considérer que l’interception «à 99%» des missiles et des drones lancés par l’Iran est une victoire en soi, comme l’ont affirmé les États-Unis, qui ont aussi fait savoir qu’ils ne voulaient pas entrer en conflit avec la république islamique ?
«Jusqu’à ce jour, Israël n’a pas réussi à changer l’équation», constate un journaliste du premier quotidien du pays Yediot Aharonot, dans une chronique publiée ce dimanche. «L’Iran est menaçant. Israël a peur. Peut-être qu’au lieu de ça, l’Iran devrait avoir peur ? Peut-être est-il temps de préciser que même s’il est difficile de toucher les bunkers souterrains où est conçue la menace nucléaire, il est en revanche possible de porter un coup fatal à l’économie iranienne, en paralysant par exemple les gisements de pétrole ?», écrit aussi le journaliste. «Une confrontation il y a 10 ans aurait été nécessaire. Une confrontation dans 10 ans sera beaucoup plus difficile», écrit-il encore.
Le quotidien Maariv, de son côté, souligne dans un article à la Une de son site que les avions israéliens étaient «déjà en route» pour riposter quand le président américain a appelé Benjamin Nétanyahou pour freiner la réaction. «À tous les bagarreurs […] qui parlent d’une réponse israélienne ’sans précédent’ et menacent le monde entier, vous devez vous rappeler trois points importants», prévient un journaliste du quotidien dans un autre article, appelant à tenir compte de la coalition «historique» des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Jordanie avec Israël pour intercepter les missiles.
L’auteur rappelle aussi que l’État hébreu est déjà engagé dans une guerre à Gaza et que le Hezbollah, qui n’a pas participé «de manière significative» à l’attaque iranienne, constitue encore une grande menace. «Il est impossible de ne pas répondre à une telle attaque», avance-t-il néanmoins, appelant cependant à prendre le temps de «réfléchir».
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«Netanyahou gaspillera-t-il l’opportunité stratégique» qui lui est offerte ? Dans les colonnes du quotidien israélien classé à gauche Haaretz, le journaliste et correspondant de The Economist en Israël juge que le gouvernement a l’occasion de conforter les pays arabes qui l’ont soutenu contre l’attaque iranienne, et qui sont «désormais des alliés de facto», notamment en mettant rapidement fin à la guerre à Gaza.
Pour cela, Netanyahou doit «résister aux demandes de représailles immédiates et déséquilibrées», formulées entre autres par les membres les plus extrémistes du gouvernement en place, comme le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, qui a demandé une riposte «écrasante».
Ancien général de l’armée israélienne, Giora Island a également estimé, interrogé par la chaîne de télévision Channel N12, que l’État hébreu devait ne pas se précipiter. «Tout comme les Iraniens nous ont tenus en haleine pendant plus de dix jours, nous pouvons aussi les tenir en haleine», a-t-il affirmé, ajoutant tout de même que le pays «a la possibilité de ne pas agir du tout pour le moment» misant sur «le maintien de la dynamique» de l’opinion publique autour d’Israël.
«Et si Israël décidait de profiter de cette opportunité pour enfin bombarder le précieux programme d’armes nucléaires de l’Iran ?», s’interroge de son côté le Jerusalem Post qui détaille dans un article la façon dont l’armée israélienne pourrait déployer son aviation de combat. «Plusieurs quatuors d’avions de combat furtifs F-35 pourraient voler par des routes distinctes pour frapper des sites à travers l’immense République islamique», écrit le journal israélien, précisant que les chasseurs pourraient passer par la Syrie, la Turquie et l’Iran malgré l’opposition de ces pays. Israël pourrait aussi avoir «un accord discret» avec l’Arabie saoudite pour franchir son espace aérien et traverser le golfe Persique.
Israël pourrait également utiliser ses missiles balistiques et ses drones de renseignement et d’attaque pour détruire dans un premier temps les installations antiaériennes, puis les installations nucléaires du pays, même si certaines sont «enfouies à 80 mètres sous terre».
Israël fera payer le prix de son attaque à l’Iran quand le moment sera venu, a déclaré dimanche le ministre centriste du cabinet de guerre Benny Gantz. «Nous mettrons en place une coalition régionale et exigerons un prix à l’Iran de la façon et au moment qui nous conviendront», a-t-il déclaré dans un communiqué après une réunion du cabinet de guerre. Une source militaire israélienne a aussi affirmé auprès du New York Time que la réponse de Tel Aviv serait donnée en coordination avec ses alliés.