Le puissant syndicat de l’automobile UAW (United Auto Workers) veut s’étendre aux constructeurs étrangers présents aux États-Unis. Après une négociation réussie chez General Motors, Ford et Stellantis (Chrysler), les trois géants américains du secteur, l’organisation espère ouvrir une nouvelle ère avec un scrutin chez Volkswagen ce mercredi 17 avril.
Les 5.500 employés du site du groupe allemand à Chattanooga, dans le Tennessee, sont appelés à voter pour ou contre la constitution d’un syndicat, à l’appel de l’UAW. «On est vraiment enthousiastes», a expliqué, mardi, Isaac Meadows, ouvrier de cette usine, qui distribuait des tracts avant de prendre son service, en début d’après-midi.
L’UAW reste sur un succès de prestige, avec la signature d’accords collectifs chez les «Big 3», ratifiés en novembre après six semaines d’une grève inédite par sa durée. Mais jusqu’ici, le syndicat n’est parvenu à s’implanter chez aucun des constructeurs non américains, qui ont, dans leur immense majorité, élu domicile dans des États du sud des États-Unis. À Chattanooga, la création d’une antenne de l’UAW a déjà été rejetée par deux fois.
Mais plusieurs experts estiment que le vent pourrait avoir tourné, grâce à l’élan suscité par les avancées de l’automne chez les «Big 3», où l’UAW a obtenu une augmentation moyenne du salaire de 25% sur quatre ans. L’aura de son nouveau président, Shawn Fain, élu en mars 2023, joue dans ce regain de mobilisation. Cet électricien de formation a triomphé à l’issue du premier scrutin ouvert à tous les membres. Il incarne le renouvellement, en rupture avec la vieille garde, décimée par un scandale de corruption et de détournement de fonds qui a impliqué deux anciens présidents. «C’est le bon moment», veut croire Isaac Meadows, joint au téléphone par l’AFP. «Les salaires ne suivent pas l’inflation. Les gens réalisent qu’en tant que force de travail, nous avons beaucoup de pouvoir.»
Après les accords des «Big 3», l’UAW a voulu surfer sur la vague et lancé une campagne de sensibilisation chez 13 constructeurs, qui emploient environ 150.000 personnes au total, y compris des plus petits acteurs américains comme Tesla ou Lucid. Outre Volkswagen, l’UAW a déposé une demande pour la tenue d’un scrutin sur le site Mercedes-Benz à Vance, dans l’Alabama, qui compte 6.100 salariés, mais le Bureau d’application du droit du Travail (NLRB) n’a pas encore fixé de date.
Le Sud est une terre à conquérir pour l’UAW, qui fait face au rejet du gouverneur du Tennessee, Bill Lee, auteur d’une lettre ouverte visant le syndicat, cosignée par cinq autres gouverneurs de la région, tous républicains. Ils accusent le syndicat de «désinformation» et d’user de «manœuvres d’intimidation».
«Aux États-Unis, nous respectons nos travailleurs et nous n’avons pas besoin qu’un organisme extérieur nous dise comment porter un carton ou toucher à un interrupteur», font valoir les élus. Ils avertissent que l’arrivée de l’UAW chez un constructeur étranger mettrait en péril l’avenir du site, sans argumenter. Avant ce scrutin, Volkswagen s’est engagé à adopter une position de neutralité, ce qui revient à ne pas s’opposer à la constitution d’un syndicat. «Nous respectons le droit de nos employés à se déterminer sur la question de la représentation syndicale», a indiqué le constructeur allemand sur son site.
Le comité d’entreprise de Volkswagen a mis en ligne une vidéo dans laquelle sa présidente, Daniela Cavallo, et des salariés de Wolfsburg, en Allemagne, affichent leur solidarité envers les collègues de Chattanooga. L’UAW a aussi changé d’approche avant le scrutin, s’en remettant davantage aux organisateurs locaux plutôt que de prendre les rênes, souligne Stephen Silvia, professeur à l’American University et auteur d’un livre sur le syndicat automobile dans le Sud. Pour lui, Chattanooga est «la meilleure opportunité que l’UAW ait jamais eue de syndiquer un site dans le Sud».