Sous l’arche rouge qui entoure l’écran géant, le pivot français Rudy Gobert réussit un improbable tir en faveur de Minnesota qui creuse l’écart. «MVP, MVP», scandent 2.500 personnes au Grand Rex. Pour la deuxième année consécutive, le cinéma parisien, le plus grand d’Europe, a fait le plein ce samedi pour diffuser deux matches du premier tour des playoffs NBA, qui ont vu Orlando dominer Cleveland (97-83) et Minnesota étriller Phoenix (120-95).
Il fallait voir la queue étalée sur plus de 200 mètres, dans d’étroites rues de la capitale, égayées par des maillots flashys d’anciennes gloires (Michael Jordan, Vince Carter, Dennis Rodman) ou de stars actuelles (Luka Doncic, Jamal Murray, Victor Wembanyama), pour capter l’effervescence que constituait l’événement. L’ouverture des portes du cinéma était fixée à 17h avec placement libre. «Je suis arrivé à 16h. Il paraît que certains sont là depuis midi», s’ébahit Sebastian.
La longue soirée, organisée par le populaire média digital TrashTalk, et sponsorisée par beIN Sports, Parions Sport et la NBA elle-même, est lentement montée en température. Le temps de faire gagner quelques maillots à travers des quiz ou d’inviter sur scène Mickaël Piétrus, ex-international français (44 sélections), vice-champion NBA avec Orlando en 2009.
Une fois le premier match débuté à 19h (le second à 21h30), c’est le show qui prend possession du Grand Rex. Des soulèvements sur un tir à 3 pts décisif d’Anthony Edwards (Minnesota) aux gloussements de rire sur un airball grossier de Max Strus (Cleveland), le public suit, voire impulse le rythme. «L’ambiance est tellement bonne», savoure Sebastian, heureux d’être là après avoir loupé la «Viewing Party» (soirée de visionnage) de l’an dernier.
Pour lui, «c’est un peu comme regarder avec des potes, sauf qu’on est 2.500 potes». «C’est mieux que de regarder les matches chez soi dans son canapé», relève Timothé. «Tu peux te permettre de te lâcher un peu plus, tu n’as pas les voisins qui se plaignent», complète Baptiste. Ce dernier apprécie «le côté communauté qui est ultra-palpable».
Voilà que, d’un seul coup, ces fans de ballon orange qui discutent, débattent, s’écharpent via les réseaux sociaux, qui parfois vivent leur passion la nuit esseulés derrière un écran, se réunissent et mutualisent leur enthousiasme. «C’est vraiment cool de partager ça avec plein de gens, même des inconnus», reprend Sebastian. «Les discussions qu’on peut avoir entre nous, on les entend aussi devant et derrière nos sièges, il y a une osmose très agréable», acquiesce Baptiste.
Timothé était au match de NBA à Paris le 11 janvier dernier entre Cleveland et Brooklyn (111-102). Ce soir, il a retrouvé l’atmosphère d’une salle de basket «parce que les gens jouent le jeu», en s’insurgeant sur une faute sifflée contre leur équipe de cœur, ou en scandant «défense, défense» à l’unisson.
Le média TrashTalk avait lancé le concept dans des cinémas de 100 places avant le Covid-19. La dimension est toute autre aujourd’hui. En plein direct, la puissante chaîne américaine ESPN a salué l’événement de l’autre côté de l’Atlantique. Timothé, jeune trentenaire et suiveur de NBA depuis 2008, constate : «La visibilité du basket a beaucoup évolué en France depuis 10-15 ans. C’est génial pour un gamin ou une gamine qui se met au basket maintenant.» Sebastian est fan des San Antonio Spurs depuis 2005. Il avait 10 ans. «Quand j’en parlais au collège, ça n’intéressait pas grand monde. Là, pour cet événement, les places (30€ tarif unique) sont parties super vite.»
Il est presque 00h30 lorsque les sièges jaune moutarde du Grand Rex se vident, après l’écrasante victoire des Timberwolves de Rudy Gobert. Sebastian se voit déjà revenir l’an prochain, si la soirée se répète. «Pourquoi pas même pour l’équipe de France» pendant les JO de Paris 2024, suggère-t-il. Concernant la NBA, l’optimisme est de mise. En janvier, Adam Silver, le grand patron de la ligue américaine, a ouvert la porte à deux matches coup sur coup à Paris en 2025. La NBA aime la France, et si on en doutait, l’événement au Grand Rex l’a confirmé : c’est réciproque.