L’interminable feuilleton a pris fin et a tourné à l’avantage de Rishi Sunak. Après moult négociations, arbitrages et navettes parlementaires, le plan rwandais du premier ministre britannique a été définitivement adopté par le parlement ce lundi 22 avril. Une victoire pour le résident du 10 Downing Street, qui tenait à mettre ce texte au crédit de sa majorité, alors que les sondages annoncent une victoire de l’opposition travailliste aux élections locales du 2 mai prochain.

Jugé trop mou par l’aile droite des conservateurs et inhumain par les progressistes, ce projet semblait ne contenter personne et a failli échouer à de nombreuses reprises. En novembre dernier, la Cour suprême britannique avait estimé que le Rwanda ne pouvait être considéré comme un pays tiers sûr, contraignant le gouvernement à revoir sa copie. Par la suite, un bras de fer a opposé la chambre des Lords, favorable à un adoucissement du texte, et le gouvernement, arc-bouté sur une adoption sans modifications. Celui-ci a finalement tourné à l’avantage de l’exécutif, puisque le cœur de ce plan rwandais controversé demeure.

Certains demandeurs d’asile arrivant au Royaume-Uni pourront désormais être envoyés au Rwanda, où leurs demandes d’asile seront examinées en vertu d’un Traité signé pour cinq ans entre Londres et Kigali. Selon le gouvernement, cette externalisation des demandes doit permettre d’empêcher les demandeurs d’asile de se maintenir sur le territoire national une fois déboutés.

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Les migrants concernés recevront 3000 livres sterling, soit 3500 euros. Ceux dont la demande serait acceptée pourront obtenir le statut de réfugié et rester au Rwanda. Les autres pourront demander à s’installer au Rwanda en invoquant d’autres motifs, ou demander l’asile dans un autre pays tiers sûr. Quoi qu’il arrive, aucun demandeur d’asile n’est donc appelé à retourner au Royaume-Uni.

Londres veut croire qu’in fine, cette politique dissuadera les traversées de la Manche, en nette augmentation depuis début 2024, et brisera le commerce des passeurs. Lors d’une conférence de presse organisée ce lundi, le premier ministre britannique a annoncé que «le premier vol» partirait «dans 10 à 12 semaines». Selon un porte-parole du gouvernement britannique, cela pourrait concerner 19.000 personnes par an dans un premier temps.

Cet accord de cinq ans entre le Royaume-Uni et le Rwanda a été passé pour répondre au camouflet infligé par la Cour suprême britannique en novembre dernier. Le texte voté au Parlement, qui s’adosse sur ce Traité, prévoit donc d’empêcher les tribunaux de contester le fait que le Rwanda est un pays sûr et exonère les expulsions de certaines dispositions prévues par la loi britannique en matière de droits humains.

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Le texte précise en outre que le gouvernement pourra aussi décider de ne pas tenir compte des mesures de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) si celle-ci s’avisait d’empêcher les décollages des charters vers le Rwanda. À noter que Rishi Sunak a réaffirmé lundi que si tel était le cas, il n’hésiterait pas à faire sortir le Royaume-Uni de la CEDH. Une œillade adressée à la frange la plus radicale du camp conservateur, qui réclame cette mesure de longue date, ainsi que l’affranchissement des conventions internationales.

L’objectif du texte est donc clair. Il s’agit de réduire à peau de chagrin les voies de recours permettant aux migrants d’opposer un recours juridique à leur envoi vers Kigali. Concrètement, ceux-ci pourront toujours faire valoir leur situation personnelle pour contester l’expulsion, des troubles mentaux ou physiques graves par exemple. Mais ils ne pourront plus faire valoir qu’ils risquent d’être persécutés sur place.

Ce panorama serait incomplet si l’on ne mentionnait pas les mesures qui ont fait débat au Parlement, mais qui ne font finalement pas partie du texte. Lundi soir, la chambre des Lords a retardé le vote définitif, tentant d’y introduire pour la énième fois deux amendements censés adoucir la portée du texte. Le premier prévoyait d’exempter les Afghans ayant servi aux côtés de l’armée britannique de la possibilité d’être exclus vers Kigali. Le second visait à établir un comité de surveillance chargé d’établir si oui ou non le Rwanda était un pays sûr. Mais la chambre des représentants a choisi de retirer ces mesures avant de renvoyer le texte aux Lords qui, de guerre lasse, ont cédé dans la nuit de lundi à mardi.