Cinq jours après la confirmation d’une rumeur sur la vente de la filiale des laboratoires Servier à un groupe indien, le député de l’Isère Yannick Neuder et le président des Républicains Éric Ciotti expriment leurs inquiétudes directement auprès du président de la République, avec copie au ministre délégué à l’Industrie, Roland Lescure. «Les offres de rachat d’acteurs étrangers doivent nous appeler à la plus grande vigilance tant les perspectives d’une délocalisation massive de la production nationale assortie de la mise sous pavillon Indien de ce fleuron français constituerait un échec de l’État à assurer notre souveraineté industrielle et sanitaire», écrivent les parlementaires LR.
Dans cette missive de trois pages, les élus de droite insistent sur plusieurs points. Ils vantent l’importance stratégique de Biogaran (32% des médicaments génériques produits en France, 350 millions de boîtes par an, 90% vers l’Europe…), défendent la candidature du seul repreneur français potentiel sur les quatre annoncés (Benta-Lyon en Auvergne-Rhône-Alpes) et demandent que le gouvernement use de ses prérogatives pour s’opposer à la cession de Biogaran à une entreprise non européenne. Les Républicains mentionnent le code monétaire et financier selon lequel la protection de la santé publique ferait partie des secteurs d’activité dans lesquels les investissements étrangers sont «soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l’Économie».
Les députés Neuder et Ciotti renvoient également le chef de l’État aux engagements qu’il avait pris en juin 2023 concernant un renforcement de la souveraineté sanitaire de la France. « Vous aviez notamment assuré l’assistance d’une prise de conscience de l’État sur les effets délétères d’une dépendance industrielle étrangère aux produits pharmaceutiques », rappellent-ils, avant d’insister sur l’importance des relocalisations industrielles dans le secteur du médicament, notamment après les pénuries constatées durant la crise sanitaire Covid.
Enfin, Les Républicains relèvent « la grande difficulté » de l’industrie pharmaceutique en France et pointent l’urgence d’une nouvelle doctrine en matière de « planification stratégique pharmaceutique » pour libérer ces entreprises françaises, notamment du « poids des normes » et de la « fixation des prix à rebours des réalités du marché ». Pour la droite, c’est une « vitrine du savoir-faire pharmaceutique Français qui est menacée et la survie d’un secteur absolument stratégique pour notre économie et la maîtrise de nos dépenses publiques ».
À droite, Xavier Bertrand, président LR des Hauts-de-France, avait lui aussi demandé au gouvernement de «s’opposer à cette vente» quand Florian Philippot, président des Patriotes, avait dénoncé une «nouvelle trahison» de l’exécutif. Pour sa part, le député Bertrand Pancher, président du groupe parlementaire Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot), avait jugé «urgent» que Biogaran reste français. Et en réponse à la possible vente du leader des génériques français, Marie Toussaint, tête de liste des Écologistes pour les élections européennes, avait présenté un plan pour «une souveraineté pharmaceutique européenne».
De son côté, le gouvernement, qui avait défendu la «reconquête sanitaire» comme un objectif, s’est voulu rassurant. Le ministre Roland Lescure a assuré que l’État était « très vigilant » sur ce dossier. « Nous nous laissons la possibilité d’activer la procédure dite IEF (investissement étranger en France, NDLR)», a précisé le ministre, assurant qu’il avait exprimé « clairement » au laboratoire Servier son opposition à la vente de Biogaran.