Dès 4 mois, les enfants commencent à explorer leur environnement. Durant cette phase de découverte, ils sont susceptibles de mettre à la bouche tous les objets à portée de main, y compris des substances nocives. Ainsi, les accidents domestiques par intoxication ne sont pas rares chez les moins de 6 ans, alerte l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dans son nouveau rapport portant sur la période 2014-2020. Certains ont pu conduire, pour les plus graves, à l’hospitalisation, voire au décès de l’enfant, selon les données enregistrées par les Centres antipoison (CAP), les passages aux urgences du réseau Oscour piloté par Santé Publique France et les données d’hospitalisation et de décès. «La plupart de ces accidents sont pourtant évitables, à condition d’adopter les bons réflexes», met en garde le Dr Sandra Sinno-Tellier, adjointe à la directrice des alertes et des vigilances sanitaires à l’Anses.
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En tête des intoxications les plus fréquentes : les produits ménagers, parmi lesquels les dosettes de lessive liquide. Contrairement à leurs homologues solides, ces produits présentent des formes et des couleurs « tape à l’œil » pour les tout-petits. Or elles contiennent des substances toxiques à l’origine notamment de symptômes digestifs, incluant nausées et vomissements. En cas de fausse route, elles peuvent également conduire à la suffocation et, contrairement à la lessive classique, elles peuvent engendrer des projections oculaires. Si les intoxications par des produits déboucheurs de canalisation sont moins fréquentes, elles restent tout aussi graves car ces produits peuvent entraîner des graves brûlures de la bouche et de l’œsophage.
Plus généralement, entre 2014 et 2022, 30% des appels aux centres antipoison étaient attribuables à l’exposition aux produits d’entretien qui ont causé 22% des cas d’intoxications graves chez les moins de 6 ans, et 4 décès enregistrés au Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc). « Malgré une réduction de moitié de ces intoxications sur la période d’étude, notamment grâce aux mesures européennes obligatoires prises à partir de 2015, ces intoxications restent les plus nombreuses », rappelle le Dr Sinno-Tellier.
Vient en seconde position l’ingestion de médicaments, responsable de 34% des intoxications les plus graves et de 16% des appels aux centres antipoison entre 2014 et 2020. Le contenu de l’armoire à pharmacie était impliqué dont 6 des 10 décès observés par les CAP et 7 des 23 décès observés par le CépiDc. De manière générale, ces accidents sont plus fréquents en hiver, du fait des épidémies saisonnières (grippe, rhumes…). Parmi les traitements incriminés figuraient l’ibuprofène, l’aspirine et le paracétamol ainsi que les médicaments pour le système nerveux (antidépresseurs, anxiolytiques, etc.) et les pathologies cardiovasculaires.
Quant aux intoxications au monoxyde de carbone, elles restent la première cause d’hospitalisation et d’admission en réanimation chez les moins de 6 ans. Parmi les accidents signalés, neuf ont conduit au décès. L’exposition des jeunes résulte principalement de défaillances des installations de chauffage. « Le gaz toxique libéré est dangereux car non irritant, incolore et inodore et peut causer une somnolence ou un comportement inhabituel chez l’enfant qui pleure ou refuse de manger », décrit Sandra Sinno-Tellier.
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Outre ces trois catégories, l’augmentation en fréquence, mais aussi en gravité, des intoxications au cannabis est au cœur des préoccupations : en 2020, cette substance était à l’origine de 11% des admissions en réanimation chez les moins de 6 ans, soit deux fois plus qu’en 2014 (5%). Ces intoxications se font par deux voies : inhalation de fumées et ingestion des boulettes de résine trouvées par l’enfant, provoquant divers symptômes tels qu’une somnolence, des troubles de la conscience voire un coma nécessitant une assistance respiratoire.
D’autres événements, parmi les plus dramatiques, ont également impliqué l’ingestion d’objets tels que des piles boutons, à l’origine d’une érosion de l’œsophage et plus rarement d’hémorragies, ou bien des billes d’eau vendues sous forme déshydratée, à des fins décoratives ou pour jouer. « Ces billes sont en théorie interdites comme jouets chez les moins de trois ans. Le problème est qu’elles sont souvent à l’origine d’intoxications différées : en gonflant dans le tube digestif, elles peuvent finir par le boucher ou bien provoquer des occlusions », indique le Dr Sinno-Tellier.
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La plupart de ces intoxications seraient pourtant évitables. Les autorités rappellent qu’il est indispensable de mettre les objets dangereux hors de portée de l’enfant. Les produits d’entretien doivent être rangés en hauteur ou dans des placards fermés, sans oublier de remettre le bouchon de sécurité après toute utilisation. « Par ailleurs le déconditionnement des produits, c’est-à-dire leur transvasement depuis le flacon d’origine vers des bouteilles d’eau en plastique par exemple, est déconseillé pour éviter tout risque de confusion », rappelle Sandra Sinno-Tellier.
Le même principe s’applique aux médicaments : ils sont à tenir loin des petits et, de préférence, à ranger dans des placards différents pour distinguer ceux destinés aux adultes et aux enfants. Gare également à la mauvaise habitude de sortir les comprimés de leur emballage juste avant utilisation, par exemple en les posant à côté d’un verre d’eau sur la table. Ces comprimés ne sont jamais à l’abri de mains baladeuses…
Enfin, éviter le contact avec un proche quand il consomme du cannabis et faire réviser régulièrement les installations de chauffage, idéalement une fois par an, permettent de prévenir les risques d’intoxication par inhalation de fumée et/ou de gaz. « Il faut éviter d’utiliser des systèmes de chauffages improvisés tels que le brasero, et les groupes électrogènes qui sont des sources moins connues mais non négligeables d’intoxication au monoxyde de carbone », alerte Sandra Sinno-Tellier.