À Bercy, la nouvelle s’est répandue dans l’après-midi comme une traînée de poudre auprès de la poignée de personnes autorisées: la France échappe à une dégradation par Moody’s. L’agence de notation a maintenu vendredi la note souveraine de la France, au niveau «Aa2» avec perspective stable, jugeant le risque de défaut très faible malgré la récente dégradation des finances publiques du pays.
Dans un communiqué, Bruno Le Maire a déclaré prendre acte de cette notation. « Cette décision doit nous inviter à redoubler de détermination pour rétablir nos finances publiques et tenir l’objectif fixé par le président de la république : être sous les 3% de déficit en 2027.» Le ministre entend poursuivre une stratégie fondée, «sur la croissance et le plein-emploi, les réformes de structure et la réduction des dépenses publiques.»
En réalité, personne ne croyait vraiment à une telle issue. Et depuis quelques semaines, Bruno Le Maire prenait soin de se dégager des aléas de court terme pour insister sur sa volonté de rétablir les finances publiques d’ici… 2027. Le discours aura donc rassuré l’institution américaine. À quelques semaines des élections européennes, c’est une très bonne nouvelle pour la majorité. Une dégradation aurait jeté l’opprobre sur l’ensemble de son bilan économique.
Le gouvernement semble pourtant avoir saisi l’étendue du problème de la dette publique il y a seulement quelques semaines quand l’Insee a révélé, fin mars, l’ampleur du déficit 2023, à 5,5 % donc contre une prévision officielle à 4,8 %. Depuis c’était le branle-bas de combat des annonces. Après un premier gel de 10 milliards de crédit, 10 nouveaux milliards d’économies doivent être trouvés au titre du budget 2024. Le bouclage de l’exercice 2025 exigera de son côté quelque 25 milliards d’économies. Des sommes colossales pour un pays qui semble incapable de se réformer. Malgré le flou qui règne sur la définition des économies à venir, Moody’s estime donc ces engagements crédibles.
La note de la France demeure alors parmi les plus sûres attribuées par Moody’s, l’équivalent d’un 18 sur 20. Les titres souverains bénéficient en effet d’un point de vue technique, d’un environnement idéal. Abondante, la dette française sert de substitut aux titres allemands et hollandais. La majorité des investisseurs acquièrent par ailleurs des titres par le canal des fonds indiciels, qui, pour la zone euro, contiennent automatiquement de la dette hexagonale. La profondeur de marché et la liquidité des titres français correspondant enfin aux caractéristiques recherchées par les institutionnels asiatiques.
Ces sujets techniques dominent dans un environnement où les investisseurs anticipent des baisses de taux. « La dégradation, évidemment que ce ne serait pas une bonne nouvelle. Mais le plus important, c’est que cela ne devrait pas avoir de conséquence sur les taux auxquels nous nous finançons, dans la mesure où les marchés ont déjà intégré la situation de nos finances publiques », se rassurait-on, ces derniers jours, à Matignon. Sans tension supplémentaire sur les marchés le gouvernement anticipe déjà une explosion de la charge de la dette, qui dépasserait les 70 milliards en 2027.
De son côté l’agence de notation Fitch, qui avait dégradé l’année dernière la note souveraine de la France, l’a aussi laissée inchangée vendredi soir, au niveau «AA-» avec perspective stable. Dans un communiqué, l’agence précise que les notes AA- de la France sont étayées «par une économie importante et diversifiée, des institutions fortes et efficaces et une stabilité macro-financière.»
En revanche, les finances publiques et, en particulier, le niveau élevé de la dette publique par rapport au PIB et les mauvais résultats en matière d’assainissement budgétaire, constituent pour l’agence un point faible de la notation de la France. Néanmoins, Fitch avait laissé entendre dès le début du mois qu’elle ne comptait pas abaisser davantage cette note à moins d’un accroissement «conséquent» de la dette.