« Je veux que ça bouge et il faut que l’État bouge, sinon ça va péter, ça va péter ! » Sur le stand de la Loire-Atlantique vendredi, juste après l’ouverture de la Fête de l’Humanité qui se tient depuis deux ans en Essonne, à quelques encablures de Brétigny-sur-Orge, Fabien Roussel est remonté comme un coucou. Le secrétaire national du PCF angle sa rentrée politique sur la colère sociale des Français. Et il n’y va pas de main morte, histoire de bien se faire entendre dans le concert de la gauche et d’une actualité politique déjà très chargée.

Après son coup de gueule de 2022 en faveur du travail et contre «la gauche des allocs», il a appelé cette année les Français à «réveiller les services de l’État, les envahir même si nécessaire, que cela remonte jusqu’à Emmanuel Macron». Dans l’Humanité du 13 septembre, il a appelé à «des rassemblements» devant les préfectures donc, mais aussi les supermarchés, les stations-service…

Fabien Roussel ne s’est pas laissé démonter par les railleries ou les protestations à gauche des dernières 48 heures – jusqu’à Jean-Luc Mélenchon qui a pointé, ironie de l’affaire, une «initiative violente» considérée comme «purement personnelle» car «discutée nulle part, pas même au PCF».

Commentaire en réponse de Fabien Roussel, vendredi dans la journée, crevette à la main : «J’ai trouvé que Mélenchon mollissait». Une fourbe allusion à l’âge du leader des Insoumis et triple candidat à la présidentielle, tout juste 72 ans ? Pas impossible. En tout cas, les commentaires de ses pairs ne l’émeuvent pas.

Présente à la Fête vendredi, l’écologiste Marie Toussaint, eurodéputée et tête de liste d’EELV aux Européennes est muette devant cette attitude obstinée. «Il s’est un peu emporté», glisse-t-elle avec prudence, sans trop vouloir froisser son partenaire de la Nupes.

Fabien Roussel, lui, sait déjà devant quelle préfecture il pourrait se rendre. Mais il ne le dira pas. Surprise. Et puis le député du Nord ne veut pas insulter l’avenir. Mardi, à la suite des autres chefs de parti qui ont rencontré Emmanuel Macron à Saint-Denis le 30 août, il va être reçu par Elisabeth Borne à Matignon. «Ils peuvent décider de bouger dans les jours qui viennent sur les prix de l’essence , sur l’alimentation et l’électricité et dans ce cas-là, dit-il, nous ne bougerons pas !» Dans le cas contraire, la date de l’insurrection populaire est déjà programmée. Ce sera le week-end des 30 septembre et 1er octobre.

À en croire Fabien Roussel aussi, l’affaire sera «pacifique» et «organisée». «Comme on sait le faire», promet-il. «Il faut que la colère de la faim soit entendue et suivie d’actes». Le rendez-vous avec Emmanuel Macron n’est pour lui «que de la communication».

Dans leur exercice qui semble lui aussi relever de la communication politique, les communistes ne semblent pas inquiets des risques de se faire déborder sur le terrain lors de possibles manifestations à venir. Adjoint communiste à la culture de la maire PS de Nantes, Aymeric Seassau commente : «Nous n’imaginons pas vraiment qu’une foule puisse vouloir mettre la tête du préfet sur une pique !»

Nouveau responsable des Jeunes communistes à la suite de Léon Deffontaines – devenu tête de liste du PCF aux Européennes – le toulousain Assan Lakehoul est formel : «Nous devons absolument être au plus près des préoccupations des Français qui sont dans la colère, des jeunes en particulier. En 2027, il faudra faire le poids face au RN». Or selon lui «pour le moment, Jordan Bardella et Marine Le Pen arrivent à parler à une génération que la gauche a perdue et qui oscille entre le RN ou l’abstention.»

Fabien Roussel se voit bien repartir pour 2027 comme en 2022. Peu importe la faiblesse du score (2,28%). La candidature commune de la gauche, c’est «non», a-t-il confié à Libération. «C’est une question de projet pour la France.» S’il se trouvait face à Marine Le Pen au deuxième tour, il imagine même pouvoir prendre la main. «Peut-être que des électeurs de droite voteraient pour moi». Ce qu’ils ne feraient pas «avec un Insoumis».

Jean-Luc Mélenchon, qui a pris la parole vendredi soir à la Fête de l’Humanité, a martelé qu’il ne «fera jamais l’union sur un programme au rabais, qui ne serait pas un programme de rupture avec le capitalisme». «Nous ne participerons jamais à des primaires : elles donnent la primeur à ceux qui clivent le moins et font exploser ceux qui y participent», a-t-il ajouté.

Vendredi dans les travées de la Fête, aux militants qu’il rencontre comme dans les débats qui vont émailler les trois jours, le député du Nord le dit et compte le faire savoir. Avec lui, pas question «de marcher à côté de militants qui crient ’tout le monde déteste la police’», même s’il dénonce «des violences et du racisme dans l’institution, mais pas de façon systémique». Il ne serait donc pas de la manifestation organisée le 23 septembre par les Insoumis contre les violences policières. Et puis avec lui encore, «pas de décroissance». Et puis «du nucléaire aussi». À revendre.

C’est sa spécificité. Seule sur ce dossier face à une majorité de socialistes, aux écologistes et aux Insoumis… «Le nucléaire, dit Roussel, j’en fais le sujet central de la reconstruction de la France, de notre industrie et de notre lutte en faveur du climat». Il va le dire samedi dans son grand discours en fin de matinée. Et le répéter dimanche dans un débat en début d’après-midi avec l’ancien Premier ministre Édouard Philippe. Car si l’un et l’autre défendent cette énergie, Roussel lui, veut «sortir du marché spéculatif de l’énergie».

Or selon lui, «Edouard Philippe est prêt à sacrifier l’avantage énergétique français pour préserver le couple franco-Allemand». «Tout accepter des Allemands au nom de notre histoire et du pacte, assure Roussel, c’est prendre le risque d’un bond en arrière qui ouvre la porte à l’extrême-droite». La hausse du prix de l’électricité est en effet pour lui, «un véritable déclencheur de crise majeure».