Il est loin le bras de fer de l’Ocean Viking . En novembre 2022, le gouvernement français n’avait pas de mots assez durs contre la première ministre italienne, accusée d’avoir dévié un navire transportant 230 migrants qu’il fallut accueillir en catastrophe dans le port de Toulon. En septembre 2023, plus de 11.000 migrants débarquent sur l’île italienne de Lampedusa, en cinq jours, et l’appel au secours de Giorgia Meloni soulève aussitôt un élan de solidarité.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, se rendra lundi en Italie pour y rencontrer son homologue Matteo Piantedosi, à la demande d’Emmanuel Macron qui s’est entretenu, lui, avec Giorgia Meloni. La rencontre aurait lieu à Rome et non à Lampedusa. Cette île où convergent les migrants est devenue le symbole de ce que François-Noël Buffet, président Les Républicains (LR) de la Commission de lois au Sénat, appelle «l’échec de la politique européenne d’immigration». Ces migrants sont donc ivoiriens, égyptiens, guinéens, tunisiens. Ce qui se passe au Sahel, avec ces coups d’État à répétition, aura un nouvel impact. Tunis, pour sa part, réclame des aides européennes, comme les touche la Turquie, pour mieux retenir les flux.
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«Une fois de plus, quand l’urgence est à nos portes, Bruxelles est à la rue», déplore le sénateur Buffet. À l’entendre, le voyage de Mme von der Leyen à Lampedusa ne serait qu’un écran de fumée. Lui retient surtout l’éviction, en avril 2022, du Français Fabrice Leggeri de la tête de l’agence européenne de contrôle des frontières Frontex, signe évident d’un «ramollissement».
La France n’est pas exemplaire non plus, à ses yeux: «Voyez l’affaire de l’Ocean Viking l’an dernier. Faute de procédures judiciaires adaptées, les migrants débarqués se sont tous volatilisés.» Le projet de loi Darmanin-Dussopt devait apporter des correctifs, mais il se trouve enlisé, faute de majorité au Parlement. Des textes alternatifs existent, défendus par la droite. Celui du Sénat sera débattu début novembre.
Pour l’heure, après le temps de l’émotion, les chefs de l’exécutif de Paris à Rome, en passant par Berlin, se sont engagés à «renforcer la coopération au niveau européen (…) pour trouver des solutions efficaces, immédiates et de plus long terme à cette crise». Le «devoir de solidarité européenne» avec l’Italie prime. Mais Éric Ciotti, le patron des LR, met en garde: «Si la France entre dans une logique de répartition des migrants, c’est la porte ouverte à des arrivées encore plus massives.» Sa proposition constitutionnelle sur l’immigration promeut «l’asile aux frontières». Pour choisir en amont ceux des migrants qui relèvent réellement du statut de réfugié, «sans subir» une migration économique qui contourne les règles en mettant le pays d’accueil devant le fait accompli. Gérald Darmanin, qui a besoin des LR, marche sur un fil.