Sepp Kuss a l’habitude d’évoluer dans l’ombre. Avant la Vuelta (marquée par une victoire d’étape lors de la 6e étape), à son palmarès brillaient une victoire d’étape sur le Tour de France (à Andorre-la-Vieille en 2021 et une étape sur le Tour d’Espagne en 2019). Sur le dernier Tour de France, il était le soutien de Jonas Vingegaard. Le dernier à l’accompagner en montagne. Avec une solidité à toute épreuve. Il a ainsi chuté deux fois (une fois en raison de l’imprudence d’un spectateur, durant la 15e étape ; puis dans une descente dans les Vosges durant la 20e étape). À chaque fois, il s’est relevé. Il avait terminé au Markstein, avec le maillot déchiré, l’arcade gauche ensanglantée, avec du sang et des pansements pour tenter de le rafistoler.
« Ce type est un guerrier. Nous t’aimons, Sepp ! », avait lancé sa formation sur les réseaux sociaux. Sepp Kuss a toujours brillé au service des autres (« Je reste discret et je fais ce que j’ai à faire. Pour moi, c’est mieux comme ça », a-t-il résumé il y a quelques mois à cyclingnews). Un fidèle lieutenant propulsé sur le devant de la scène avec ce succès inattendu sur la Vuelta (devant ses équipiers Jonas Vingegaard à 17 » et Primoz Roglic à 1’8 »).
Vainqueur à Madrid d’une Vuelta dominée de la tête et des épaules par son équipe Jumbo-Visma, Sepp Kuss s’inscrit comme le premier Américain vainqueur d’un grand tour depuis Chris Horner (Vuelta 2013). Il rejoint au palmarès des lauréats américains sur un grand tour (après la destitution de Lance Arsmtrong de ses victoires sur le Tour de France), Greg LeMond (Tour de France 1986, 1989, 1990), Andrew Hampsten (Tour d’Italie 1988) et Chris Horner (Vuelta 2013). Adolescent, il était à Durango, membre de l’équipe de VTT mais préférait le ski nordique (son père Dolph a été entraîneur de l’équipe olympique américaine de ski nordique de 1963 à 1972, fut coach de l’équipe du Team USA aux JO d’Innsbruck en 1964 et Sapporo en 1972) pratiqué chez lui à Durango (Colorado), comme le kayak et le hockey sur glace. Il a participé aux Championnats du monde de VTT en 2014 avant d’opter pour la route. En parallèle de ses études (littérature, publicité), il fait ses classes au sein de l’équipe continentale américaine Rally Cycling (2016-2017) et se fait remarquer par Jumbo Visma. Sepp Kuss (29 ans) fait depuis 2018 partie de l’équipe néerlandaise dont il a accompagné l’envolée vers les sommets. Il est sous contrat jusqu’en 2024.
Sepp Kuss s’est, avec sa compagne Espagnole Noemi, installé en Andorre. Le calme, le terrain d’entraînement idéal l’ont séduit. Comme Julian Alaphilippe. Et c’est à Andorre qu’il a signé, avant la Vuelta 2023, sa victoire la plus marquante sur le Tour 2021. Avec ses amis et compatriotes Neilson Powless (EF Education) qui vit également en Andorre, Brandon McNulty (UAE Team Emirates) et Quinn Simmons (Lidl-Trek), il incarne la nouvelle génération de coureurs américains qui a dû grandir avec le poids des affaires Armstrong et Landis. Les interviews données en espagnol durant la Vuelta et le sourire promené en permanence, même les jours où les contrariétés semblaient s’accumuler, en ont fait le coureur le plus populaire de la Vuelta.
Sepp Kuss qui a bouclé les trois grands tours en 2023 (14e du Giro, 12e du Tour, 1er de la Vuelta) est, selon Fuoriclasse, le deuxième coureur à y parvenir en remportant une des trois épreuves prestigieuses (après l’Italien Gastone Nencini, vainqueur du Tour d’Italie en 1957). Et l’Américain est le coureur comptant le plus grand nombre de jours de course sur les grands tours depuis 5 ans. Avec 215 jours, il devance le Portugais Nelson Oliveira (Movistar) et le Belge Thomas De Gendt (Lotto Dstny).
Richard Plugge, le manager de l’équipe Jumbo-Visma avait créé la polémique en critiquant, lors du dernier Tour de France, les coureurs de l’équipe Jumbo-Visma accusés de « boire des grandes bières ». Sepp Kuss, vainqueur de la 6e étape de la Vuelta à Javalambre, ne s’est pas gêné sur le podium pour avaler de grandes gorgées de champagne. « Buvez de manière responsable. Seulement pour les adultes, et les vainqueurs d’étape de la Vuelta », ont, sur X, réagi les organisateurs de la Vuelta en partageant la séquence. Celle d’un coureur qui a gardé une âme potache et ne voulait pas bouder son plaisir. Il l’a emmené jusqu’au plus grand succès de sa carrière.