Mois après mois, la tendance fourmi des Français ne faiblit pas. Alors que l’inflation continue de peser sur le budget des ménages, les dernières annonces du gouvernement sur le livret A semblent avoir poussé ceux qui le peuvent à mettre de côté, révèlent les derniers chiffres de la Caisse des dépôts.

Publiés ce jeudi, ceux-ci soulignent qu’en août, le produit préféré d’épargne des Français a une nouvelle fois enregistré une collecte massive. Le mois dernier, 2,3 milliards d’euros ont été déposés sur le livret A, et 700 millions d’euros sur le livret de développement durable et solidaire (LDDS). Il s’agit de la quatrième meilleure collecte en août pour ce premier produit d’épargne, derrière les millésimes 2022 – 4,5 milliards d’euros – et 2011 – 2,9 milliards d’euros, selon les chiffres de la Caisse des dépôts. L’an dernier, pour rappel, la collecte avait été particulièrement favorisée par la hausse du taux du livret A, qui avait alors atteint 2%.

Fin août, l’encours du livret A atteignait 405 milliards d’euros, quand celui du LDDS frôlait 145 milliards d’euros. Sur les huit premiers mois de l’année, la collecte nette cumulée du livret A et du LDDS a atteint 40,69 milliards d’euros, contre moins de 28 milliards d’euros sur la même période un an auparavant. Au rythme actuel, à moins d’une décollecte massive sur les quatre derniers mois de l’année, 2023 risque donc de compter parmi les meilleures collectes nettes depuis 2009, voire d’atteindre la deuxième place, derrière les 49,16 milliards d’euros de 2012.

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Cette tendance remarquable est engendrée notamment par l’inflation, qui pousse ceux qui le peuvent à se constituer un pécule en prévision des jours meilleurs. Le triplement du taux de rendement entre février 2022 et février 2023 a également joué. La collecte nette n’a d’ailleurs pas été négative depuis octobre 2022.

De même, les récentes annonces de l’exécutif peuvent expliquer, au moins en partie, la puissante collecte d’août. Mi-juillet, Bruno Le Maire avait annoncé le maintien du taux de rendement à 3%, alors que celui-ci aurait pu, théoriquement, passer à 4,1% le mois dernier. «Plus le taux du livret A est élevé et plus les prêts sont chers. Je ne veux pas mettre en péril la construction de dizaines de milliers de logements ou le développement de milliers de petites entreprises», s’était justifié le ministre de l’Économie et des Finances. En contrepartie, le taux restera fixé à ce niveau jusqu’en février 2025, et ce, même si l’inflation baisse.

Les ménages savent donc que ce produit déjà apprécié gardera une rémunération fixe, certes inférieure à l’inflation, pendant plusieurs mois. En outre, il bénéficie toujours de ses qualités bien connues, dont des placements garantis, sans fiscalité, et sans risque de perte du capital. Autant d’éléments qui peuvent inciter à garnir son livret au plus vite.

Les chiffres du mois dernier s’inscrivent aussi dans une tendance de long terme, la pandémie ayant renforcé le côté «fourmi» des Français. Dans ses dernières projections macroéconomiques, publiées ce mois-ci, la Banque de France relevait même un «taux d’épargne étonnamment élevé au deuxième trimestre 2023», qui peut notamment s’expliquer par de «l’épargne de précaution» face à l’incertitude. «Une hypothèse également possible serait la sensibilité des ménages à l’effet dit d’encaisses réelles, qui les pousserait à maintenir un flux élevé d’épargne pour compenser l’érosion par l’inflation de leur stock d’épargne existant», ajoutaient les experts. Sur le plus long terme, le taux d’épargne resterait fixé à «16,6%» fin 2025, un niveau élevé, «bien supérieur» à l’époque pré-Covid.

Même constat du côté de l’Insee. Dans leur dernière note de conjoncture publiée début septembre, les statisticiens nationaux relevaient une «propension à épargner qui reste élevée» chez nos concitoyens. «Le taux d’épargne des ménages s’est d’ailleurs élevé au printemps à 18,8%, soit presque 4 points au-dessus de son niveau de 2019», ajoutaient-ils. L’encours du livret A n’est donc pas près de baisser.