«La France sera parmi les premiers pays d’Europe à sortir du charbon», a promis Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée. Avec en ligne de mire la conversion à la biomasse des deux dernières centrales françaises utilisant du charbon pour la production d’électricité, à Cordemais (Loire-Atlantique) et à Saint-Avold (Moselle).
Un tacle à peine masqué à l’Allemagne, qui, depuis le début de la guerre en Ukraine, a augmenté les capacités de production de ses centrales à charbon. Berlin doit pallier la baisse drastique de ses importations de gaz russe, et surtout compenser l’intermittence des énergies renouvelables (éolien et solaire) et la fermeture de ses centrales nucléaires. Au point d’inquiéter la Commission européenne sur ses capacités à atteindre ses objectifs en termes de réduction de gaz à effet de serre. Le prix, mais aussi l’origine décarbonée de l’électricité, reste un sujet d’affrontement entre les deux pays.
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La fermeture des centrales à charbon hexagonales était initialement prévue pour 2022, date reportée à 2027. Comme l’Allemagne, la France a dû revoir ses plans en raison du conflit russo-ukrainien. La conversion à la biomasse de la centrale de Cordemais – qui appartient à EDF – est déjà actée. Le projet «Ecocombust» avait été stoppé en 2021, en raison de coûts élevés, avant d’être relancé en 2022. La flambée des prix de l’électricité l’ayant rendu plus compétitif. Une telle transformation implique des modifications structurelles moyennant quelques dizaines de millions d’euros de travaux. L’avantage étant de conserver une structure existante plutôt que de construire de nouvelles capacités. Le processus est éprouvé. À La Réunion, deux centrales à charbon seront converties à la biomasse d’ici à la fin de l’année. Elles brûleront la bagasse, un résidu de la canne à sucre.
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L’origine de la biomasse est un autre sujet d’inquiétude. Greenpeace a ainsi aussitôt réagi aux propos du président de la République pour interroger sur sa provenance. «Le Royaume-Uni a converti l’essentiel de ses centrales à charbon à la biomasse et importe désormais du bois d’Europe et d’Amérique du Nord», rappelle Erwan Gaudemer, analyste chez Roland Berger. L’origine de la biomasse – déchets issus de scierie par exemple – devra aussi être regardée attentivement pour garantir le plus faible bilan carbone. «Enfin, il faut aussi prévoir une usine pour sécher le bois», ajoute l’expert.
L’utilisation du bois pour produire de l’électricité risque en outre d’accentuer la pression sur une ressource déjà sensible. Les prix du bois de chauffage et des pellets (utilisés dans les poêles et chaudières) sont déjà orientés à la hausse. Or les deux centrales à charbon qui seront converties à la biomasse auront des besoins importants. «Elles risquent d’entrer en concurrence avec les autres utilisateurs, les particuliers et surtout les réseaux de chauffage urbains qui, pour certains, utilisent déjà des chaudières à bois», alerte Erwan Gaudemer. D’autant qu’utiliser du bois pour produire de la chaleur est environ deux fois plus efficace que pour de l’électricité. Ces centrales ne devraient toutefois pas entrer en compétition avec les autres usagers de la biomasse, comme les méthaniseurs (production de biogaz) ou les bioraffineries (pour des biocarburants) qui utilisent d’autres intrants que le bois.
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Néanmoins, à l’heure où le cap est mis sur la remontée en puissance de la production d’électricité nucléaire et le développement des énergies renouvelables, pourquoi conserver cette capacité de production? Ces centrales sont amenées à fonctionner en cas de forte tension sur le réseau, notamment à l’occasion d’un pic de froid. L’année dernière, les centrales à charbon ont représenté 0,5 % de la production d’électricité d’EDF. Les conserver permet de réduire la dépendance de la France aux importations d’électricité lors de période pendant lesquelles les prix sont particulièrement élevés et qui mobilisent des centrales très polluantes. Si leur utilisation reste la même, quelques centaines d’heures par an, l’impact sera moindre. Mais si elles devaient monter en puissance, le problème de l’accès à la ressource pourrait rapidement revenir sur le devant de la scène.