Les Français vont-ils subir une hausse des tarifs des péages ou de leurs billets d’avion au nom de la transition écologique ? Comme il l’avait annoncé, le gouvernement prévoit une nouvelle taxe dans son budget 2024 dont la visée première est de s’attaquer aux profits des sociétés d’autoroutes, mais qui inclura également les grands aéroports… Baptisée «impôt sur les infrastructures de transport de longue distance», cette taxe doit rapporter 600 millions d’euros par an dès 2024. Mais d’aucuns craignent qu’à la fin de la chaîne, les contribuables soient contraints de mettre la main au portefeuille.
Concrètement, cette taxe vise à «faire en sorte que ceux qui polluent davantage contribuent davantage», résume en personne le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire. «Le meilleur des financements», selon lui, pour les investissements «extrêmement élevés» et «impératifs» nécessaires en matière de transition écologique.
En ciblant les «infrastructures de transport de longue distance», cette taxe doit donc toucher les Aéroports de Paris (ADP) ainsi que certains des plus grands aéroports français comme Nice ou Marseille. Premier concerné, ADP a d’ailleurs immédiatement répliqué que «l’augmentation des charges régulées» (soit 75% de la charge supplémentaire liée à la taxe) serait «répercutée dans les tarifs de redevances». Redevances aéroportuaires aujourd’hui payées par les compagnies aériennes, pour l’atterrissage et le stationnement de leurs avions, mais aussi pour la mise à disposition de banques d’enregistrement et d’embarquement et d’installation de traitement des bagages.
Cette hausse des tarifs serait toutefois «échelonnée sur deux à trois ans, afin de contenir son effet pour les compagnies aériennes et respecter le principe, prévu par la loi, d’une évolution «modérée» des tarifs d’une année sur l’autre», annonce ADP dans un communiqué, qui semble ainsi vouloir préserver les répercussions économiques de cette taxe sur les partenaires commerciaux que sont les compagnies aériennes. Mais comment imaginer ensuite que celles-ci ne reportent pas cette hausse des tarifs de redevances sur le prix des billets d’avion ?
Le sénateur UDI Vincent Capo-Canellas, qui travaille de longue date sur le secteur aérien, est affirmatif : «dans l’économie de système, c’est toujours le passager qui paie». Selon l’ancien maire du Bourget, il y a d’un côté les aéroports qui augmentent les redevances, «pour garantir un bon niveau d’investissement pour l’amélioration de la qualité de service» et de l’autre, les compagnies aériennes «qui ont un niveau de rentabilité faible et se plaignent déjà d’un niveau de redevances élevé». Lui estime que «le sujet du financement, de la compétitivité et de la qualité de service du ferroviaire mérite un débat national» mais ne devrait pas se faire «en handicapant les modes de transports concurrents».
Un avis partagé par Arnaud Aymé, spécialiste des transports chez Sia Partners, qui explique qu’avec une hausse des redevances, les compagnies aériennes n’auront d’autres choix que «de répercuter cette augmentation sur les prix des billets» ou «de changer d’aéroport». Exemple à Lyon, dont la concession revient à Vinci, où les compagnies aériennes peuvent tout à fait faire le choix de desservir l’aéroport de Genève, situé pas très loin, plutôt que de payer plus cher. Autre point à prendre en compte selon lui : «un aéroport n’est pas seulement un endroit de débarquement, mais aussi un endroit d’escale. Or si les redevances d’ADP deviennent dissuasives, nul doute que les compagnies aériennes choisiront un autre aéroport pour leurs correspondances».
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Pourtant, cette augmentation de la fiscalité «ne se répercutera pas sur l’usager», a promis de son côté Bruno Le Maire, faisant fi des alertes des dirigeants des grandes sociétés autoroutières françaises qui ont récemment expliqué qu’«une hausse des taxes» se concrétiserait «inévitablement» par «une hausse des péages». C’est notamment le cas de Pierre Coppey, le président de Vinci Autoroutes, qui rappelle que des mesures de compensation se sont toujours appliquées à chaque fois que de nouvelles taxes ont été imposées aux sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA).
Les concessionnaires estiment en effet que le droit et la jurisprudence jouent en leur faveur. En 2011, par exemple, l’État avait décidé d’une hausse de 6,7% du taux d’aménagement du territoire (TAT), payée chaque année par les SCA. En contrepartie, celles-ci avaient obtenu une hausse tarifaire additionnelle sur les péages de 0,35% en 2011 et 0,17% en 2012. Rebelote en 2013, lorsque le gouvernement avait pris la décision d’augmenter la redevance domaniale des SCA. Ce changement avait été compensé par un accord signé en avril 2015, repris dans les avenants du contrat et approuvé par le Conseil d’État en août qui prévoyait une hausse additionnelle des tarifs des péages en 2016, 2017 et 2018.
Les concessions stipulent en effet «qu’en cas de modification, de création ou de suppression (…) d’impôt, de taxe ou de redevance spécifique aux sociétés concessionnaires d’autoroutes», ces dernières ont droit à «des mesures de compensation, notamment tarifaires», avait lui-même relevé le Conseil d’État. Augmenter la fiscalité «serait non seulement une violation de la parole de l’État», mais aussi «un contresens à un moment où il est urgent d’investir pour décarboner la route», a-t-il défendu.
En face, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, persiste et signe : «les péages n’augmenteront pas au-delà de ce qui est prévu par l’inflation» car «les tarifs des péages c’est nous qui les fixons». Avant d’affirmer «avoir consulté le Conseil d’État», afin de «s’assurer que nous respectons bien les règles, nous avons consulté le Conseil d’État». Puis c’est au tour du ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, d’en remettre une couche : «Je veux rassurer tout le monde: la taxation des concessionnaires autoroutes ne se répercutera pas sur les péages, qui sont fixés par contrat et validés par l’Etat». Avant de conclure : «Tout le reste, ce sont des fake news».