Il est surnommé le «monstre national» en Autriche. Pendant plus de 24 ans, Josef Fritzl, un électricien et père de famille, a séquestré et violé sa fille Élisabeth dans une cave-bunker aménagée dans le sous-sol de sa maison à Amstetten, à 100 km à l’ouest de Vienne. Durant toutes ces années de captivité, il a continué de vivre normalement dans son pavillon avec sa femme Rosemarie, la mère d’Élisabeth. Alors que cette dernière a donné naissance à sept enfants, tous engendrés par les viols de son père. C’est durant l’hospitalisation de l’un d’entre eux que le fait divers a éclaté au grand jour en 2009.
Le tortionnaire incestueux a ensuite été arrêté puis condamné à la prison à perpétuité, après avoir reconnu les faits. Depuis, il est incarcéré dans une prison sous haute sécurité. Quinze années derrière les barreaux se sont écoulées, mais Josef Fritzl pourrait bien être remis en liberté. L’homme de 88 ans a fait une demande de transfert vers une maison de retraite. Cette nouvelle fait trembler l’Autriche, car si Josef Fritzl obtient son transfert, il pourrait déposer une demande de libération conditionnelle.
Aux yeux de la justice autrichienne, il «ne pose plus de danger», a déclaré son avocate Astrid Wagner, le 25 janvier dernier. Les juges se sont basés sur un rapport d’expertise psychiatrique, a-t-elle expliqué, citant son âge avancé et un début de démence. «C’est un premier pas important. Il doit maintenant être placé dans un régime de détention classique et suivre des examens réguliers», a ajouté l’avocate, précisant que son client était «très ému». Pour l’heure, la justice a bloqué sa demande de transfert le 11 mars dernier, mais est de nouveau étudiée ce mardi 30 avril.
Josef Fritzl aurait commencé à abuser sexuellement de sa fille Élisabeth alors qu’elle n’avait que 11 ans, en 1977. L’année suivante, le père de famille fait construire un abri anti-atomique sous sa maison. Une démarche habituelle en pleine Guerre froide. Élisabeth fait une première fugue alors qu’elle a 16 ans et réitère l’expérience à ses 18 ans, en 1984. Le 28 août de cette même année, Josef Fritzl l’attire dans le sous-sol de la demeure familiale, prétextant avoir besoin d’aide pour ouvrir une porte. En réalité, il la drogue avec un chiffon imbibé d’éther, la menotte et l’enferme dans la cave aménagée. Il signale ensuite la disparition de sa fille à la police.
La mère de famille, Rosemarie, est inquiète et dépose une plainte pour personne disparue. Josef Fritzl force alors Élisabeth à écrire une fausse lettre dans laquelle elle demande à ses parents d’arrêter de la chercher. Dedans, elle explique qu’elle en avait assez de vivre avec sa famille et qu’elle logeait chez un ami. Le tortionnaire déclare ensuite à la police que sa fille a très probablement rejoint une secte.
Pendant 24 ans, Élisabeth vit dans cette cave de 35 m2, transformée en prison de fortune. Son père lui rend visite presque tous les jours pour lui apporter de la nourriture et la violer. Au total, Élisabeth donne naissance à huit enfants, dont un est mort né. Josef Fritzl en saisit trois d’entre eux au bout de quelques années, faisant croire qu’ils ont été abandonnés et les adopte avec sa femme. Plus tard, les forces de l’ordre ont expliqué que le bourreau avait raconté de manière «très plausible» comment les enfants étaient apparus devant sa porte.
La mère, Rosemarie, ne se rend compte de rien. Quand son mari descend pendant des heures au sous-sol, qu’il appelle son «atelier», il lui interdit de la rejoindre. Ni même de lui apporter un café. Il lui fait croire qu’il travaille sur un projet dans le cadre de son métier d’électrotechnicien et Rosemarie n’y voit que du feu.
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La vie dans cet abri sans issue est rudimentaire. La famille dispose d’une télévision, d’une radio et d’un magnétoscope. Une petite cuisine permet de réchauffer des plats et Élisabeth apprend à lire et à écrire à ses enfants. Josef Fritzl leur explique qu’ils seraient gazés s’ils tentent de s’échapper et qu’ils seraient électrocutés s’ils tentaient de toucher la porte. Les enquêteurs ont ensuite affirmé que ces menaces n’étaient pas réelles, et simplement destinées à effrayer les victimes.
L’enfer d’Élisabeth et de ses enfants prend fin quand Kerstin, la fille aînée, est conduite à l’hôpital par Josef Fritzl. Elle est plongée dans le coma en raison d’une insuffisance rénale. C’est la première fois que les deux femmes voient la lumière du jour depuis des années. Déroutés par la version de l’homme, les médecins alertent la police qui diffuse un avis de recherche de la mère de Kerstin. Élisabeth tombe sur l’appel à témoins sur son écran de télévision et supplie Josef Fritzl de la conduire à l’hôpital auprès de sa fille, avec ses fils Stefan et Felix, le 26 avril 2008.
Arrivés sur place, les trois victimes sont conduites au commissariat par la police qui, en parallèle, a de nouveau creusé l’histoire de la disparition d’Élisabeth. Durant son interrogatoire, Élisabeth raconte ses 24 années de captivité, ses viols et les sévices que lui faisaient subir son père. Josef Fritzl la forçait notamment à visionner des vidéos pornographiques. Le bourreau est arrêté dans la nuit. De son côté, Élisabeth retrouve sa mère Rosemarie qui ne se doutait pas de l’enfer qu’avait vécu sa fille.
Après que des tests ADN ont confirmé que les enfants étaient bien ceux de Josef Fritzl, son procès débute le 16 mars 2009. Le tortionnaire plaide coupable de toutes les accusations, sauf du meurtre d’un de ses enfants. Il est donc condamné à la prison à perpétuité. Mais depuis septembre 2021, il espère être transféré dans une maison de retraite. Son avocate justifie cette demande par un début de «démence». Face au risque de libération conditionnelle, le tribunal a refusé plusieurs fois cette demande et devrait rendre une nouvelle décision ce mardi 30 avril.
De nombreux médias autrichiens, mais aussi britanniques, se sont emparés de cette histoire à travers les années. À tel point que Josef Fritzl se considère comme une star. Il a multiplié les apparitions sur la télévision autrichienne et plusieurs documentaires ont été réalisés à son sujet. Il a même écrit un livre depuis sa cellule, intitulé Les Abysses de Josef F.. Dans son ouvrage, il se décrit comme un «père de famille responsable», dit ne pas comprendre pourquoi sa femme Rosemarie l’a quitté et affirme avoir reçu des centaines de lettres de «fans féminines» amoureuses.
Après le procès, Élisabeth et ses enfants ont été hébergés dans une clinique locale, ont suivi un lourd traitement médical et psychologique. Un article de The Independent publié en 2010 explique que la famille a dû changer d’identité et vit désormais dans le «Village X», tenu secret. Les victimes de Josef Fritzl mèneraient une vie normale. La belle-sœur du tortionnaire a notamment déclaré au média britannique qu’«Élisabeth aime beaucoup faire du shopping […] Les enfants vont tous à l’école».