Sanctions plus lourdes, contrôles accrus, cyber-enquêteurs, task force pour démanteler les réseaux, campagnes de sensibilisation… la Sécurité Sociale ne lésine pas sur les moyens pour traquer les fraudeurs. En progression, les résultats de la lutte contre la fraude restent toutefois modestes. Dans le domaine de la santé, l’Assurance maladie a détecté et stoppé 146,6 millions de fraudes au premier trimestre 2023 ( 30% par rapport au premier semestre 2022). Un montant qui devrait grimper à 380 millions sur l’ensemble de l’année (contre 316 millions en 2022), puis 500 millions en 2024. Un chiffre «inégalé» se félicite l’Assurance-maladie, mais qui reste malgré tout timide pour ne pas dire décevant, au regard des milliards de fraude évoqués par le magistrat financier Charles Prats et divers rapports parlementaires.
À lire aussiLa Cour des comptes exhorte la Sécu à mieux traquer la fraude
Facturation de soins fictifs par des professionnels de santé, fausses déclarations de ressources par les assurés, trafics de médicaments via de fausses ordonnances sur internet, vente de faux arrêts de travail sur les réseaux sociaux… la liste des arnaques possibles est pourtant longue. Face à ces formes multiples de fraudes, l’Assurance-maladie cible particulièrement les professionnels de santé. Responsables de 18% du volume des fraudes contre 56% pour les assurés, ils sont certes moins nombreux à «gruger» le système. Mais leurs méfaits coûtent plus cher à la Sécu. En valeur, les professionnels représentent 68% des montants fraudés contre 21% pour les assurés.
À lire aussiL’Assurance-maladie poursuit au pénal 12 centres ophtalmiques pour fraude sociale
Parmi les professions contrôlées ces derniers mois, les kinés sont responsables d’un montant de fraude évalué entre 166 et 234 millions d’euros, les dentistes entre 60 et 96 millions d’euros, et un même montant pour les médecins spécialistes. En cause, le plus souvent le non-respect de la nomenclature ou de la réglementation et les prestations fictives constituent les principales fraudes: surfacturation d’un acte en ayant recours à une cotation plus élevée, non-respect de la durée d’une séance, facturation d’actes non remboursables…
Également dans le viseur de l’Assurance maladie, les sociétés d’audioprothèses qui surfent sur la dynamique de ce marché créée par le «100% santé». Cette réforme, mise en place par le gouvernement à compter de 2021, a permis de mieux se faire rembourser par la Sécu et engendré une nette augmentation du nombre de patients bénéficiant d’une aide auditive: 790.000 personnes sont appareillées en 2022 ( 77% par rapport à 2019). Mais des sociétés d’audioprothèses en ont profité: exercice illégal de la profession d’audioprothésiste, absence de suivi obligatoire du bénéficiaire appareillé facturation de matériel différent de celui délivré, ordonnances de complaisance ou établissement de fausses ordonnances etc. Le préjudice pour la Sécu est estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros. Et un gros dossier de fraude aux audio prothèses a été détecté en particulier en Seine Saint Denis, pour un montant très élevé ce 8,3 millions d’euros.
Pour mieux lutter contre la fraude la Sécu va se doter de nouveaux outils informatiques : courant 2024, les assurés pourront signaler via leur compte ameli les actes fictifs ou les surfacturations de soins. Pour lutter contre les trafics en tout genre qui se développent sur internet et les réseaux sociaux, l’Assurance maladie va aussi se doter de 60 agents cyber-enquêteurs qui seront opérationnels à la fin du 1er semestre 2024.
Car si l’Assurance-maladie fait de la pédagogie, elle n’hésite plus à sortir le bâton et sévir contre les fraudeurs. Un professionnel de santé libéral (médecin, chirurgien-dentiste, infirmier, masseur-kinésithérapeute…) pour lequel des actes fictifs ont été mis en évidence pour un montant significatif pourra ainsi faire l’objet à la fois d’une procédure de déconventionnement, d’une plainte ordinale et d’une plainte pénale. Et les sanctions ont été durcies: hausse du montant maximum de la pénalité financière à 300% du préjudice subi, majoration de 10% du montant indûment versé pour frais de gestion etc.
Au cours des 6 premiers mois de l’année, plus de 3700 suites contentieuses ont été enclenchées ( 15%), dont plus de 1 600 procédures pénales. L’an dernier, le nombre de suites contentieuses a progressé de 11% avec 8817 suites engagées, aboutissant majoritairement à des pénalités financières (2648), des plaintes pénales et signalements articles 40 (2944) et des avertissements (3020). Résultat, en 2022, les pénalités financières ont doublé avec 16 millions d’euros de sanctions prononcées, contre 8 millions d’euros en 2021.