Les prix alimentaires, qui ont bondi de 21 % en deux ans, ne reviendront pas à leur niveau antérieur car « produire dans le monde de demain coûtera plus cher que par le passé » a résumé Thierry Cotillard, le patron d’Intermarché, Bricorama ou Roady, invité du « Grand Jury RTL-Le Figaro-M6-Paris Première » ce dimanche.

Mais les consommateurs peuvent espérer une déflation de 2 % à 3 % sur certains produits, grâce par exemple au coût de l’électricité, moins élevé que redouté, ou à la baisse des tarifs des transports par conteneurs. Pour les fêtes de fin d’année, les Français pourraient même profiter, par rapport à l’an dernier, d’un recul de 7 % à 8 % des prix des volailles, ou encore, dans les enseignes du groupe, d’un repli de 5 % à 10 % sur ceux des jouets.

À lire aussiComment l’inflation bouscule la politique économique

Mais le niveau d’inflation dépend aussi de la volonté des fournisseurs à jouer le jeu. Bien que le prix du blé dur, composant principal des biscuits, ait chuté de 15 %, « tous les vendeurs de biscuits ont refusé la négociation, a regretté Thierry Cotillard. Nous sommes aujourd’hui en conflit avec des Mondelez, qui nous expliquent que tout va coûter encore plus cher, alors que nous n’avons pas du tout cette lecture ». Au final, malgré les incitations du gouvernement, les prix n’ont pu être renégociés à la baisse cet été que sur quelque 300 produits (dont les pâtes) sur les 15 000 référencés en magasin.

À l’issue des nouvelles négociations tarifaires, le patron des Mousquetaires espère entre 0 % et 4 % d’inflation alimentaire en magasin, si les industriels se montrent raisonnables. Il pointe les bons résultats de ceux qui savent modérer les hausses, à l’instar de L’Oréal, qui gagne des parts de marché.

Il menace en revanche de retirer des rayons les produits des fournisseurs trop gourmands, dont les références trop chères sont déjà délaissées par les clients au profit des marques distributeurs. Deux des quatre produits Findus ont ainsi disparu, le fabricant ayant augmenté fortement ses prix tout en réduisant le grammage de ses préparations.

À lire aussi«Shrinkflation», quand les marques sont accusées de tromper les clients

Thierry Cotillard souhaite toutefois « être précautionneux » avec les petits producteurs bio. Car même si ces références, victimes de leurs prix plus élevés et de la myriade de propositions concurrentes (zéro pesticide…), se vendent moins bien, « il ne faut pas pousser à la déconversion ces agriculteurs qui sont les plus vertueux », a-t-il rappelé. Et d’envisager des mesures (carte de fidélité, etc.) pour soutenir le bio, afin d’éviter que, quand la consommation repartira, seuls les grands industriels subsistent encore sur ce marché.

Contrairement à Michel-Édouard Leclerc, Thierry Cotillard ne souhaite pas la suppression de l’interdiction faite aux distributeurs de vendre avec moins de 10 % de marge les grands produits industriels. Cette mesure, prise dans un contexte de guerre des prix déflationniste, « a redonné de l’oxygène aux filières agricoles, qui étaient en souffrance », a-t-il rappelé. Sa disparition pourrait être favorable à court terme aux consommateurs, mais destructrice à plus long terme.

Lire aussi Intermarché : le plan des Mousquetaires pour repartir de l’avant

En revanche, le patron des Mousquetaires met en garde l’État sur les prix de l’essence. « On est dans les territoires, on sent une grogne sociale monter », observe-t-il. Et si le gouvernement craint un retour des « gilets jaunes », il faut « qu’il reconvoque les pétroliers ».

TotalEnergies, principal fournisseur des stations-service de la grande distribution, est invité à faire un effort sur ses bénéfices 2023 et 2024. « Ils font 15 centimes de marge quand nous en faisons deux », tacle Thierry Cotillard, rappelant que les distributeurs ont rejeté d’une même voix l’idée de vendre à perte.

Intermarché commercialise l’essence à prix coûtant deux week-ends par mois dans ses stations-service. L’essence représentant entre 30 % et 50 % du chiffre d’affaires de ses points de vente, l’enseigne affirme ne pas pouvoir aller plus loin sans devoir, en compensation, augmenter le prix des pâtes et des autres produits