Une nouvelle fois, le prix Nobel d’économie récompense les travaux réalisés aux États-Unis. Cette année, cette prestigieuse récompense a été attribuée au professeur américain Claudia Goldin, a annoncé ce lundi midi Hans Ellegren, le secrétaire général de l’Académie des sciences de Suède. Elle devient la troisième femme à recevoir cette distinction, après l’américaine Elinor Ostrom, en 2009, et la française Esther Duflo, en 2019.
Née en 1946 à New York, la septuagénaire a obtenu un doctorat en économie à l’université de Chicago, en 1972. Elle a enseigné dans plusieurs établissements renommés, comme l’Université de Pennsylvanie, Princeton ou l’université du Wisconsin, avant de devenir la première femme professeur titulaire d’économie à Harvard, en 1990.
Tout au long de sa carrière, Claudia Goldin a notamment travaillé sur «la main-d’œuvre féminine, l’écart entre les sexes en matière de revenus, l’inégalité des revenus, le changement technologique, l’éducation et l’immigration», précise son employeur actuel, l’université Harvard. Récompensée à de nombreuses reprises, elle est aussi auteur de plusieurs ouvrages, dont Comprendre l’écart entre les sexes : une histoire économique des femmes américaines (1990), ou, plus récemment, Carrière et famille (2021). Dans cet opus, elle s’efforce de suivre l’évolution depuis le début du XXème siècle jusqu’à aujourd’hui de la participation des femmes au marché du travail aux États-Unis, et la complexité mouvante, génération après génération, de la relation entre carrière et famille.
Pour le comité Nobel, l’enseignante a «fait progresser notre compréhension de la situation des femmes sur le marché du travail». S’appuyant sur un travail titanesque de recherche en parcourant «plus de plus de 200 ans de données aux États-Unis», l’enseignante est parvenue à «démontrer comment et pourquoi les différences entre les sexes en matière de revenus et de taux d’emploi ont changé au fil du temps», soulignent les experts. Elle «a fourni le premier compte-rendu complet des revenus des femmes et de leur participation au marché du travail à travers les siècles», et ses recherches «dépassent largement les frontières des États-Unis». «Le fait que les choix des femmes ont souvent été et restent limités par le mariage et la responsabilité du foyer et de la famille est au cœur de ses analyses et de ses modèles explicatifs», note le comité, saluant des travaux qui permettant «une meilleure compréhension des marchés du travail d’hier, d’aujourd’hui et de demain». L’américaine a aussi démontré le rôle de la «pilule contraceptive» dans l’augmentation du niveau d’éducation des femmes, un «changement révolutionnaire» accéléré grâce à ce dispositif médical, en «offrant de nouvelles opportunités de planification de carrière».
Le nom de Claudia Goldin était régulièrement évoqué pour cette distinction. La chercheuse est renommée pour ses travaux sur l’évolution des femmes sur le marché du travail, les écarts de salaires entre hommes et femmes, ou encore la valeur de l’éducation en matière économique. C’est une des économistes les plus renommées aux États-Unis. Elle a occupé plusieurs rôles institutionnels, notamment comme présidente de l’American Economic Association de 2013 à 2014. Elle est toujours directrice d’un département du National Bureau of Economic Research. «Elle se situe dans la lignée de Gary Becker, avec les modélisations des choix individuels sous contrainte, mais elle va surtout donner une profondeur historique à la compréhension des comportements », détaillait dans un article récent la chercheuse Dominique Meurs.
L’année dernière, le prix Nobel avait été accordé à trois Américains : Ben Bernanke, Douglas Diamond et Philip Dybvig. Les lauréats – un ancien président de la Fed et deux économistes – étaient récompensés pour leurs travaux portant sur le rôle des établissements bancaires lors des crises. Ceux-ci ont «significativement amélioré notre compréhension du rôle des banques dans notre économie, particulièrement durant les crises financières, ainsi que la façon de réguler les marchés financiers », saluait le comité.
Plus tôt, en 2021, le prix avait consacré les travaux de trois économistes, David Card, Joshua D. Angrist et Guido W. Imbens. Leurs travaux avaient «apporté de nouvelles idées sur le marché du travail et montré quelles conclusions peuvent être tirées d’expériences naturelles en termes de causes et de conséquences», soulignait le jury.
Ce dernier prix vient clôturer la saison 2023 des Nobel. La semaine dernière, le prix Nobel de la paix a été accordé à la militante iranienne Narges Mohammadi, saluant ainsi «son combat contre l’oppression des femmes en Iran et pour la promotion des droits humains et de la liberté pour tous». Quelques heures plus tôt, le prix de littérature avait, quant à lui, été accordé au norvégien Jon Fosse.