La mort d’une grand-mère filmée sur Facebook, des combattants armés annonçant au téléphone à des Israéliens la mort de leurs proches, des vidéos humiliantes d’otages à Gaza… La propagande massive du Hamas, dans ce nouveau conflit avec Israël, vise selon des experts à «paralyser» Israël par la terreur. Au troisième jour de l’offensive surprise et massive lancée par le mouvement islamiste palestinien, comparée par Israël au 11 septembre 2001, plus de 700 Israéliens ont été tués en un peu plus de 48 heures et 2150 blessés, selon l’armée. Côté palestinien, 560 personnes ont été tuées et 2.900 blessées, selon les autorités locales.

Parallèlement au conflit armé, le Hamas n’hésite pas à instrumentaliser les réseaux sociaux. Mor Bayder a témoigné auprès de l’AFP que, ce samedi, elle n’a pas reçu l’habituel message: «Mori, mon amour, tu es debout ?». À la place, la jeune Israélienne affirme avoir découvert sur les réseaux sociaux le «meurtre brutal» de sa grand-mère, lors de l’attaque menée par le Hamas dans un village frontalier de la bande de Gaza. «Un terroriste est entré par effraction chez elle, l’a assassinée, a pris son téléphone, a photographié l’horreur et l’a publiée sur son mur Facebook. C’est comme ça que nous l’avons découvert», dit-elle dans un témoignage glaçant posté sur le réseau social, repris par plusieurs membres de la famille.

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Sur la chaîne de télévision israélienne Canal 13, Mor Bayder, en larmes, a assuré que le tueur avait appelé sa tante pour la forcer à voir les images de la vieille dame «allongée dans un bain de sang» chez elle à Nir Oz, un kibboutz situé à deux kilomètres de la bande de Gaza, où plusieurs Israéliens sont portés disparus depuis l’attaque du Hamas. Même mise en scène de la violence dans de nombreuses autres photos et vidéos diffusées massivement depuis samedi sur la toile par le Hamas ou ses relais. «C’est intentionnel: le but est de déclencher un sentiment d’impuissance, de paralysie et d’humiliation», estime Michael Horowitz, analyste sécuritaire pour la société de conseil Beck International.

Ainsi, cette vidéo insoutenable et pourtant virale montrant le corps apparemment inconscient d’une jeune femme dénudée à l’arrière d’un pick-up, sous les acclamations d’hommes en armes. Sa mère l’a identifiée comme étant Shani Louk, une Israélo-allemande d’une vingtaine d’années qui participait à la rave-party qui a tourné au carnage dans le désert, samedi à l’aube. D’autres images d’une famille prostrée par terre ont fait le tour du monde. Un petit garçon en pleurs de six ou sept ans ne veut pas croire à la mort de sa sœur, demande s’il elle va revenir: «non» répond sa mère dans un sanglot avant de se jeter sur son enfant pour le protéger, au moment où les jambes de ce qui semble être un preneur d’otage passent devant la caméra.

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Ces méthodes de propagande ne sont pas nouvelles de la part du Hamas, note de son côté le chercheur Ruslan Trad, du laboratoire d’analyse numérique de l’Atlantic Council (DFRLab). «Mais elles sont beaucoup plus sophistiquées», et «sans précédent à une telle échelle» en raison du grand nombre de victimes côté israélien, tout aussi inédit. Ces narratifs trouvent également un puissant écho parce qu’ils sont «systématiquement relayés par les trolls iraniens et russes, et amplifiés par les médias d’État», complète David Colon, professeur à Sciences Po Paris. À quoi vient s’ajouter, selon lui, «l’attitude ambiguë de la Chine avec la plateforme comme TikTok qui laisse passer énormément de contenus choquants».

Quant à X (ex-Twitter), son nouveau patron Elon Musk, «a réduit à peau de chagrin les équipes de modération, et des vidéos insoutenables qui auraient autrefois été supprimées immédiatement restent désormais en ligne durant des heures», précise David Colon. «Le Hamas et les médias palestiniens, qui lui sont associés ou non, fournissent eux-mêmes des preuves de crimes de guerre», souligne Michael Horowitz, alors que le mouvement est déjà classé comme une organisation terroriste par les États-Unis et l’Union européenne depuis ses campagnes d’attentats-suicides, dans les années 1990 et 2000. «Le Hamas et ses alliés ne craignent pas d’être accusés d’avoir commis des crimes de guerre et des massacres (…) ils considèrent les institutions mondiales comme inutiles et soutenues par l’Occident».