Un départ avec effet immédiat. Unity, un groupe américain à la tête d’une boîte à outils techniques populaire auprès des créateurs de jeu vidéo (modélisation 3D, éclairage, animation, gestion de la physique des objets…), a annoncé lundi soir la démission de John Riccitiello, à la tête de l’entreprise depuis près de dix ans. Le dirigeant était englué depuis un mois dans une polémique qui a abîmé la confiance de ses clients, dont certains ont menacé de partir chez la concurrence, et a fait dévisser de 20 % l’action de l’entreprise, valorisée 11 milliards de dollars. Wall Street a applaudi cette décision avec une remontée du cours de 4,5 % à l’ouverture des échanges mardi.

C’est une grave erreur de communication qui a précipité la chute de John Riccitiello. Le 12 septembre, l’entreprise annonce un changement radical de politique tarifaire. Jusqu’alors, Unity était gratuit pour les équipes de développement aux faibles revenus, les autres devant régler un abonnement annuel d’environ 2 000 dollars par salarié. De quoi s’attirer les faveurs des petits studios de jeux vidéo, sur console (50 % des sorties sur Nintendo Switch) comme sur mobile. Unity a souhaité passer au modèle, bien plus rentable, de la commission : à partir du 1er janvier 2024, les créateurs devront reverser de 1 à 20 centimes par téléchargement de leur jeu, dès que ce dernier franchira la barre des 200.000 installations.

La publication a suscité une levée de boucliers immédiate. Le studio indépendant Over The Moon, dont le jeu The Fallétait en accès gratuit après un accord commercial avec la boutique Epic Games Store, a calculé qu’il devrait donner à Unity « trois fois la somme qu’Epic nous a versé ». Le jeu a été téléchargé 7 millions de fois, ce qui revenait à une commission de près de 200.000 dollars, selon les calculs du Figaro. Bien d’autres petits studios ont sorti leur calculette et réalisé que les dizaines de milliers de dollars de frais qu’ils allaient devoir payer risquaient de mettre en péril leur activité. « Nous retirerons notre jeu de la vente le 1er janvier », ont averti les créateurs du jeu Cult of the Lamb, écoulé à plus de 1 million d’exemplaires. D’autres structures ont menacé de passer chez la concurrence après avoir dénoncé un changement inacceptable dans les termes de leurs licences d’utilisation. L’action Unity a commencé à chuter en Bourse.

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Au vu de l’incendie, le groupe a dû faire acte de contrition. « Nous sommes désolés. Nous aurions davantage dû vous consulter et tenir compte de vos retours avant d’annoncer cette nouvelle politique tarifaire », a écrit le 22 septembre l’un des dirigeants d’Unity dans un communiqué. John Riccitiello est, lui, resté publiquement silencieux tout au long de la crise. L’entreprise a par la suite singulièrement réduit la portée de sa politique, qui ne concerne plus que les comptes professionnels. Seuls les jeux développés à partir de la prochaine version d’Unity, prévue pour 2024, seront concernés. Et les studios auront le choix entre deux méthodes de calcul. Lors d’une réunion d’information avec les salariés d’Unity, le 18 septembre, John Riccitiello a reconnu que « les choses auraient pu être mieux gérées ». Son intérim sera assuré par James Whitehurst, ex-président d’IBM. Il présentera le 9 novembre les résultats trimestriels de l’entreprise.