Le 21 octobre 2021, face à l’envolée des prix de l’énergie et des carburants, le premier ministre Jean Castex annonçait, au 20 heures de TF1, le versement d’une «indemnité inflation» de 100 euros aux 38 millions de Français gagnant moins de 2000 euros nets par mois. Avec le principe clairement affiché que cette aide soit touchée une seule fois par personne. Plus d’un an et demi plus tard, la Cour des comptes vient de taper sur les doigts du gouvernement pour… non-respect de cette règle.

«Il ressort des travaux de la Cour que les dispositions prises pour le versement de l’indemnité inflation n’ont pas permis d’assurer le respect du principe de versement d’une aide unique à chaque bénéficiaire», écrit le premier président de la juridiction financière Pierre Moscovici, dans un courrier adressé en juillet à Élisabeth Borne, successeure de Jean Castex à Matignon, et rendu public ce mercredi. Dans le détail, les Sages ont observé «un nombre important de doublons», estimé à 1,7 million de Français (soit 4,4% du nombre total de bénéficiaires), pour un montant indûment versé d’environ 170 millions d’euros. Pour rappel, cette mesure devait initialement représenter un coût de 3,8 milliards d’euros pour l’État.

Le chiffrage de la Cour des comptes «doit cependant être considéré comme un minimum», écrit Pierre Moscovici, étant donné que l’étude des versements «ne comprend pas tous les paiements». Pis, ces sommes ne peuvent pas être récupérées par l’État. «Alors que les organismes de sécurité sociale sont les principaux payeurs de l’indemnité inflation, le texte (du décret, NDLR) ne dispose pas qu’ils puissent notifier et recouvrer les indus», regrette la Cour des comptes. C’était en effet aux bénéficiaires que revenait la responsabilité du reversement des sommes indues. «Sur cette base volontaire et spontanée, seuls 791.500 euros ont été recouvrés par la DGFiP (Direction générale des Finances publiques, NDLR), soit environ 0,5% du montant des doublons estimés», note Pierre Moscovici.

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Et la Cour des comptes d’enfoncer encore un peu plus le gouvernement, en pointant que de tels doublons étaient prévisibles. «La conception même du dispositif de la prime inflation exposait (…) au risque de paiements multiples puisqu’une même personne relevant simultanément de plusieurs statuts (salarié, travailleur indépendant, bénéficiaire de prestations sociales, étudiant,…) relevait de facto de plusieurs organismes payeurs (employeur, caisses de sécurité sociale,…)», souligne le premier président de l’institution. À l’époque, l’exécutif avait justifié le principe du versement «automatique» de cette aide par sa volonté d’éviter de créer une «usine à gaz».

Pour la Cour des comptes, s’il est trop tard pour corriger les erreurs commises dans la conception de l’indemnité inflation, celle-ci doit servir d’exemple, pour l’avenir, de ce qu’il ne faut pas faire. Dans le cas où une telle aide financière exceptionnelle serait à nouveau décidée, les Sages recommandent de prévoir «les modalités d’échanges de données entre tous les organismes concernés par la mise en œuvre de l’indemnité», ainsi qu’un cadre juridique clair pour contrôler le versement de l’aide et le recouvrement des sommes indûment versées. Ils insistent aussi sur le besoin de simplification, en confiant «la responsabilité de l’attribution, du versement, du contrôle et de la récupération des indus à un seul organisme national». Au risque sinon d’un nouveau gaspillage d’argent public.