Berlin

« La sécurité d’Israël est la raison d’État allemande », a répété par deux fois au Bundestag, la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock. L’heure était grave, mercredi, dans le temple de la démocratie allemande qui, exceptionnellement, recevait le président de la République, Franck Walter Steinmeier, accompagné de l’ambassadeur israélien à Berlin, Ron Prosor.

Une très longue standing ovation fut réservée au diplomate et une minute de silence consacrée aux victimes de l’attaque du Hamas, d’une « terreur perfide et d’une brutalité inhumaine ». Celle-ci doit «nous horrifier et nous faire honte à chacun», a exhorté la présidente de l’Assemblée, Bärbel Bas. Comme ses prédécesseurs, la coalition d’Olaf Scholz, plus que tout autre gouvernement occidental, se tient fermement aux côtés de l’État hébreu. Et la presse est globalement à l’unisson.

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Ces gestes de solidarité appuyés ont également pour but de couper l’herbe sous le pied à tout ce qui peut être perçu, outre-Rhin, comme une manifestation de soutien aux terroristes. « Nous n’acceptons aucun soutien à ces crimes lâches et répugnants, ni à leur célébration chez nous, en Allemagne, dans les rues ou sur la toile », a prévenu Bärbel Bas. « Il n’est pas concevable que dans le pays ayant causé l’Holocauste, la manière de faire des terroristes palestiniens soit justifiée », a abondé à la radio RBB le député CDU pour les Affaires étrangères, Roderich Kiesewetter.

Trois jours auparavant, dans le quartier berlinois de Neukölln, où vit une importante communauté de personnes de confession musulmane dont beaucoup de Turcs, de Syriens et d’Afghans, des manifestants propalestiniens avaient célébré l’attaque du Hamas et offert des bonbons aux passants. Dans un collège de ce même quartier, une altercation physique a opposé un enseignant et un adolescent ayant brandi un drapeau palestinien. Depuis, les manifestations propalestiniennes ont été interdites dans la capitale. «On constate depuis quelques années une augmentation drastique de l’antisémitisme sous toutes ses formes, derrière lequel se cachent notamment des groupes allemands se disant de gauche », s’inquiète Susanna Kahlefedl, députée écologiste de Neukölln, responsable de l’intégration.

La mairie de Francfort a également interdit un rassemblement intitulé « Liberté pour la Palestine », prévu samedi à l’appel notamment de plusieurs mouvements antifascistes. Dans la foulée, des politiciens appellent à la dissolution de l’organisation propalestinienne Samidoun, hostile à Israël.

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« La position allemande est compréhensible d’un point de vue historique, mais elle devient problématique car elle a tendance à négliger la situation inhumaine dans laquelle sont plongés deux millions de Palestiniens » à Gaza, critique l’universitaire Katharina Galor, membre de la communauté juive berlinoise, majoritairement de gauche et hostile à Netanyahu. Dans la capitale, dit-elle, cette communauté en pleine renaissance cohabite avec la plus grande diaspora urbaine palestinienne d’Europe, dont une grande partie compatit avec les victimes israéliennes. Or, depuis dimanche, dit-elle, cette dernière « a peur ».