L’histoire était déjà écrite, ce jeudi 12 octobre. Les députés du Rassemblement national (RN) n’ont pu faire adopter, lors de leur niche parlementaire, aucun des textes qu’ils avaient présentés. Ils avaient peu d’espoir de le faire. Mais comme aime souvent le souligner Sébastien Chenu, député RN du Nord, «on ne sait jamais ce qui se passe lors de ces journées».
Le RN de Marine Le Pen n’a pu présenter que ses cinq premiers textes, sur l’endométriose, la suppression des allocations familiales, les prix de l’énergie, l’écriture inclusive et l’aide aux étudiants qui travaillent. Les discussions ont été trop longues pour permettre aux frontistes de dérouler l’ensemble de leur agenda. Deux textes n’ont pu être débattus : la résolution pour donner l’asile politique à l’activiste Julian Assange et le renforcement des contrôles des mineurs étrangers. Les propositions de loi sont tombées les unes après les autres, retirées par leurs auteurs, parce que «vidés de leur substance» à cause d’amendements de suppression.
Il y avait quand même un changement majeur par rapport à la dernière journée de niche du groupe RN. Cette fois-ci, le groupe Les Républicains a annoncé par trois fois qu’il avait décidé de voter pour l’initiative frontiste : à propos du texte sur l’endométriose, sur la loi demandant la suppression des allocations familiales pour les parents d’enfants criminels, et l’interdiction de l’écriture inclusive.
Problème: les députés LR n’étaient pas venus en nombre pour voter les textes. Largement agacée, Marine Le Pen s’est fendue d’un message sur le réseau social X (anciennement Twitter) au moment où l’interdiction de l’écriture incluse allait être discutée en Hémicycle: «Heureuse que ce beau combat soit soutenu par les rangs fournis des députés.» Il n’y avait en réalité personne sur les bancs LR.
Les débats, eux, ne se sont pas déroulés dans le plus grand calme, loin de là. Cela a commencé dès le premier texte présenté par les frontistes: celui sur l’endométriose. La députée Europe Écologie-Les Verts (EELV) Sandrine Rousseau en est pris violemment aux députés RN, accusant les élus frontistes d’adopter «la stratégie des coucous». «Ils prennent nos combats, ils prennent nos luttes, ils prennent nos mots», a-t-elle scandé avant de rappeler que «le groupe écologiste s’opposera à cette loi». L’écologiste s’est ensuite tournée vers les bancs de la majorité présidentielle. «Une résolution a été votée ici grâce à Clémentine Autain. Il suffisait d’un décret, juste d’un décret, pour que le RN ne présente pas cette loi. Il est où le décret ?», a-t-elle lancé.
Les Insoumis ont allumé la mèche, eux aussi. Mathilde Panot a attaqué frontalement les troupes de Marine Le Pen, les accusant d’être «une arnaque». «Vous êtes les pires adversaires des droits des femmes», a-t-elle lancé. Avant que Marine Le Pen ne lui fasse une réponse cinglante: «Vos amis à vous Madame Panot, ils jettent le corps des femmes derrière des pick-ups, ils crachent dessus après les avoir violées et après les avoir démembrées.»
Tout au long de l’examen du texte, les attaques se multiplient. Le vocabulaire est fleuri. Jean-Philippe Tanguy accuse les macronistes de «postures minables», «d’arrogance», «d’incompétence». «En droit, on n’est pas jugé deux fois pour les mêmes conneries», leur lance-t-il alors que Marine Le Pen s’esclaffe.
Un peu plus tard dans la journée, c’est au tour des écologistes et des socialistes de se faire entendre. Benjamin Lucas (Les Verts) lève le ton: il reproche à certains macronistes d’avoir applaudi Marine Le Pen, mardi, après sa prise de parole sur le Hamas et Israël. Réactions indignées sur les bancs du camp présidentiel. Le ton monte.
Le président de la commission des Lois, Sacha Houlié, s’agace. «Petite frappe», lance-t-il à l’écologiste. Indignations sur les bancs de la Nupes. «Tu ne peux pas dire ça», s’énerve alors le socialiste Arthur Delaporte. «Toi aussi tu es une petite frappe», lui répond le député Renaissance. Les échanges se musclent et la séance est interrompue. Plusieurs fonctionnaires de l’Assemblée interviennent pour faire revenir le calme. «Trop de testostérone, il faut qu’ils redescendent tous», commente alors une macroniste dépitée par le spectacle donné de part et d’autre.
Le seul moment de cette longue journée où Marine Le Pen est venue aux quatre colonnes, le lieu d’échanges entre les parlementaires et les médias, c’était pour commenter l’allocution d’Emmanuel Macron. «On est là dans une forme de bouillie, qui dans des temps aussi troublés que nous vivons, peut être contre-productive», a-t-elle fait valoir. Et d’analyser : «La réalité c’est que, lorsqu’on lit entre les lignes, le président de la République vient dire que, compte tenu de l’importance, peut-être, des réseaux islamistes dans notre pays, on ne peut pas envisager de mener une guerre efficace».