COUPS DE CŒUR
Un match plein, plusieurs charges rageuses et, surtout, deux essais inscrits contre les Boks. Pas commun pour un pilier… Cyril Baille a pourtant été l’un des avants les plus actifs et décisifs, ce dimanche, face aux champions du monde sud-africains. Une performance de premier plan pour le gaucher du Stade Toulousain. Fabien Galthié répète souvent que Cyril Baille est le meilleur du monde à son poste. En quarts de finale, il s’est mis en lumière face aux rugueux Springboks. Il marque d’abord en coin, tel un ailier, bien servi par Damian Penaud(4e), avant d’enfoncer le clou, en force, après un gros travail du pack tricolore (31e). Hélas, son gros match n’aura pas été suffisant. Mais ce doublé inédit aura marqué les esprits.
Chirurgicaux. Les Bocks ont inscrit trois essais en première période avec un art du contre et du jeu de pied. Cueillie à froid, l’Afrique du Sud a réagi immédiatement avec sang-froid et réussite. Le demi de mêlée de Montpellier, Cobus Reinach, qui a multiplié les petits coups de pied par-dessus la défense tricolore, a ainsi effectué une chandelle et l’ailier Arendse a bénéficié d’un rebond favorable avant de faire parler sa vitesse (8e). Le centre sud-africain Damian de Allende a ensuite bénéficié également d’un rebond après une chandelle de Jesse Kriel avant d’aplatir dans l’en-but. Deux essais à pratiquement zéro passe et 100% d’efficacité. En s’appuyant sur une défense très agressive, ils ont poussé les Bleus à la faute. Après que Dupont n’ait pas assuré sa passe pour Baille, Kriel, d’un coup de pied rasant, a trouvé le virevoltant Kolbe qui a récupéré le ballon et filé vers le troisième essai des Sud-Africains.
Son dernier passage à Toulon n’a pas marqué les esprits. Revêches, les supporters du RCT plaisantent même en disant qu’il n’a pas joué pour leur club. Mais ce dimanche, dans un Stade de France où il avait été sacré champion de France avec Toulouse, Cheslin Kolbe a prouvé qu’il reste un joueur de (grande) classe mondiale. À 29 ans, l’ailier de poche des Boks avait du feu dans les jambes. Inscrivant, au terme d’une course où personne n’a pu le rattraper, le troisième essai de son équipe. Juste dans ses choix et ses interventions, impeccable en défense, Kolbe a frappé fort face aux Bleus. Même s’il a raté un drop en fin de match. Il devait avoir encore en tête celui, magistral, qu’il avait claqué en finale du Top 14 avec le Stade Toulousain contre La Rochelle. Au bon souvenir des Français…
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Repassés devant en seconde mi-temps grâce à un essai d’Etzebeth à la 67e, les Boks ont résisté jusqu’au bout pour s’imposer d’un point seulement. Ils ont parfaitement géré leur courte avance, bien aidés il faut dire aussi par les maladresses en fin de rencontre des Bleus. Les Boks ont laissé la plupart du temps, le ballon aux Français, en s’appuyant sur leur défense de fer pour récupérer des ballons et des pénalités. Avec une efficacité redoutable. Ils ont notamment fait preuve d’une grande intelligence dans le jeu au pied, domaine où ils semblaient pourtant inférieurs aux Bleus. La rentrée de la charnière Faf de Klerk et Handré Pollard leur a également fait beaucoup de bien en fin de match, Pollard réussissant la pénalité décisive en fin de rencontre.
Deux joueurs emblématiques ont fait leurs adieux au XV de France, ce dimanche, sur une défaite frustrante. Tous deux âgés de 33 ans, Uini Atonio (57 sélections) et Romain Taofifenua (49 sél.) ont disputé leur dernier match international, face aux Boks, au Stade de France. Ils l’avaient annoncé avant le début de la compétition. Et Fabien Galthié l’a confirmé en conférence de presse : «On a déjà deux joueurs qui arrêtent : Uini et Romain nous ont annoncé leur retraite.» Deux joueurs qui ont longtemps apporté leur puissance et leur expérience au pack des Bleus. Deux «papas» – et pas «papys» – qu’il va être dur de remplacer tant leur place et leur poids étaient importants dans cette équipe. Deux guerriers venus du Pacifique qui auraient mérité une tout autre sortie en équipe de France. Ils ont pris leur temps dimanche soir pour quitter la pelouse du Stade de France, l’arpentant lentement avec leurs enfants à leurs côtés.
COUPS DE GRIFFE
M. O’Keeffe était précédé d’une réputation d’arbitre juste et équilibré. À rebours, dimanche soir, nombre de ces décisions ont semblé incompréhensibles. A minima l’arbitre néo-zélandais a été bien passif, laissant faire beaucoup de choses aux Sud-Africains dans les zones de ruck. Les plus dégoûtés feront leurs les mots d’Antoine Dupont jugeant « l’arbitrage pas à la hauteur de l’enjeu». «Il y a eu des choses claires et évidentes qui n’ont pas été sifflées. » Sans même encore avoir revu la rencontre en détail, quelques-unes de ces « choses évidentes » resurgissent sans difficulté. À la 6e minute, Etzebeth rabat dans son camp une passe sans doute décisive de Penaud. L’arbitre juge que la balle va en arrière et ne pénalise pas le geste d’un en-avant volontaire (qui aurait pu valoir carton jaune, voire essai de pénalité). On citera également ce coup de tête de Du Toit sur Danty dans un déblayage non sanctionné (17e), cette charge du centre Kriel coude en-avant sur le visage de Dupont (25e), un en-avant de Du Toit manifestement repris en position de hors-jeu par De Klerk qui n’entraînera pas la légitime pénalité. Sans oublier les nombreuses montées défensives tellement rapides que certainement hors-jeu, des contests au sol douteux ou des entrées suspectes sur le côté des rucks. Enfin, il y a cette transformation de Ramos contrée par un Kolbe soit supersonique, soit parti avant la prise d’élan du buteur toulousain. Que M. O’Keeffe n’ait même pas demandé la vidéo (TMO) pour s’en assurer est pour le moins négligent. On notera que, fait rare, le quatuor arbitral (central, les deux juges de ligne, l’arbitre-vidéo) n’était pas de nationalités mixées mais 100% néo-zélandais. Donc certainement peu enclins à se déjuger entre eux. D’ailleurs, si Fabien Galthié s’est refusé à critiquer M. O’Keeffe, il a quand même ajouté cette petite phrase qui prend tout son sens : «il faut comprendre que ce n’est pas une seule personne qui arbitre. Ses assesseurs à la vidéo ont le temps de regarder les images et de participer.» Grégory Alldritt, lui, a préféré esquiver. Mais ces mots étaient lourds de sens. «Je n’ai pas envie de parler de l’arbitrage et de garder ce souvenir-là. Si je pense à ça, je risque de m’énerver et d’avoir des regrets. Ce serait dommage de garder ce souvenir après ces trois mois passés tous ensemble…» Le talonneur Peato Mauvaka a été moins diplomate : «Sur les rucks, ils entraient sur les côtés ou ne sortaient pas du plaquage… On aurait pensé avoir plusieurs pénalités pour nous, ça n’a pas été le cas…»
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Certes l’immense déception se comprend aisément. Nous la partageons. Et qu’il faille attendre deux heures après le coup de sifflet final pour recueillir les impressions hâtives des joueurs désignés pour l’épreuve cruelle des confidences après élimination, passe encore. La venue d’Emmanuel Macron dans les vestiaires pour réconforter les Bleus explique également ce retard. Que le service ait été minimum – seulement trois joueurs pour la presse écrite, Alldritt, Danty et Mauvaka – commence à agacer un petit peu. Mais que le chargé de presse de l’équipe de France annonce sans le moindre égard que la visioconférence prévue lundi matin avec… un membre du staff est annulée parce que «on a perdu, on n’est plus obligé », là ça devient énervant. Et, qu’enfin, il rejette brutalement toute perspective d’une véritable conférence de presse dans un jour ou deux avec le sélectionneur et/ou ses adjoints pour débriefer l’échec de cette élimination, on comprend que le XV de France coupe la communication, rompt le courant. Pour se réserver les réactions et autres analyses, sans contradiction urticante, pour ses réseaux sociaux. Repoussant toujours plus les médias à un rôle de faire-valoir, voire de méchants critiques, pour interagir en direct avec leurs fans…
Le directeur du rugby sud-africain, Rassie Erasmus s’était plaint, dans la semaine, que les Bleus, pouvaient selon lui en rajouter dans certaines situations litigieuses. «La France simule parfois». Dimanche, on a surtout vu les Springboks se plaindre beaucoup auprès de l’arbitre. Sans que celui ne s’en offusque. Pénible. Et encore un coup de maître d’Erasmus qui est parvenu à conditionner l’homme en noir par son attaque publique envers les Français.
Avec son terrifiant pack, la dimension physique est l’une des marques de fabrique de l’Afrique du Sud, Pourtant les avants springboks ont souvent été transpercés dimanche soir. Il y a eu ce maul des Bleus qui a avancé d’une dizaine de mètres avant de s’écrouler devant la ligne en début de match. En souffrance dans les mêlées et en conquête, les tenants du titre ont longtemps retardé l’échéance grâce à plusieurs grattages. Une résilience qui a payé en fin de rencontre, où ils ont remporté la bataille tactique et ont pris le dessus dans le combat titanesque de devant.