Il est celui qui cristallise toutes les critiques. Les décisions prises par l’arbitre néo-zélandais Ben O’Keeffe, dimanche lors du quart de finale perdu par la France contre l’Afrique du Sud (28-29), font polémique. À chaud, le sélectionneur des Bleus, Fabien Galthié, n’avait pas souhaité commenter ces choix. Mais le capitaine tricolore Antoine Dupont avait mis, lui, les pieds dans le plat. «Même si je ne veux pas faire l’aigri après une défaite, il faut reconnaître que l’arbitrage n’a pas été à la hauteur d’un tel événement, avait-il cinglé dans l’amphithéâtre du Stade de France. Il y a des décisions qui peuvent étonner. Mais ce constat n’enlève en rien les mérites de notre adversaire qui a accompli un match de belle facture, il faut le féliciter pour ça.»

Depuis, le Kiwi, qui arbitrera samedi (21h) la deuxième demi-finale entre l’Afrique du Sud et l’Angleterre, est la cible d’un violent cyberharcèlement sur les réseaux sociaux. Au point d’avoir supprimé, sur son compte Instagram, la possibilité de répondre à son dernier post. Mais cela n’a pas empêché certains supporters en colère d’aller inonder de messages haineux un autre de ces posts, datant du match entre le Japon et l’Argentine (27-39).

«C’est évidemment une période très éprouvante émotionnellement», a déclaré mercredi O’Keeffe à la télévision néo-zélandaise NewsHub. «Les joueurs et les entraîneurs disent des choses, que vous gagniez ou que vous perdiez. Je sais que nous ne sommes jamais parfaits en tant qu’arbitres, on fait certainement des erreurs dans le jeu, reconnaît-il. Mais les commentaires que les joueurs peuvent faire, ils peuvent le faire après le match. Je suis sûr que tout va bien, nous avons fait mon examen et nous allons remettre les choses dans l’ordre. Mais je comprends le sentiment (général) après un grand match comme celui-là.»

Déjà, après la finale du Super Rugby 2023 entre les Chiefs et les Crusaders, il avait été violemment pris à partie par les supportes des Chiefs. Il avait alors publié une réponse à ses détracteurs, qu’il a depuis épinglée en tête de son compte Instagram (ci-dessous).

Ben O’Keeffe expliquait à l’époque que «malheureusement, en tant qu’arbitre de haut niveau, (il) doit accepter et vivre avec le traitement au vitriol que les fans normalisent après les rencontres.» Et d’ajouter : «Les arbitres font partie du jeu et nous avons besoin du soutien des joueurs et des entraîneurs pour avoir les conversations difficiles en privé, et soutenir publiquement les officiels de matchs – et non les critiquer. Cela changera la façon dont les fans nous traitent.»

Reconnaissant à propos de cette finale du Super Rugby qu’«il y a eu d’excellentes décisions, et d’autres mauvaises que j’accepte d’avoir prises et où je dois m’améliorer. Progresser est quelque chose qui me motive à être meilleur. Nous avons besoin que le rugby soit le meilleur sport du monde, sur et en dehors du terrain. Faisons-le ensemble.» Et de craindre le pire : «Je repense à l’arbitre de la finale de la Ligue Europa traversant l’aéroport et à sa famille se faisant lancer des chaises. J’espère que ma famille ne sera jamais soumise à cela, mais vu la direction que prennent certains fans maintenant dans le rugby, je sais que nous en sommes plus proches que nous ne l’avons été. C’est l’un des nombreux exemples récents où quelqu’un a franchi la ligne envers un officiel de match de rugby.»

Toutefois, certains arbitres du Top 14, anciens et encore en activités, pointent du doigt les erreurs du Néo-Zélandais. Notamment la transformation de Thomas Ramos contrée par Cheslin Kolbe. «Le joueur doit partir derrière sa ligne de but et déjà, il part en ayant le pied sur la ligne, donc sa position de départ est illégale, souligne auprès de RMC l’ex-arbitre Maxime Chalon. Ensuite, on voit clairement, avec d’autres ralentis, qu’il monte avant que le Français démarre sa course d’élan. Bouger le haut du corps ne suffit pas à donner le départ, il faut qu’il commence sa course d’élan en arrière ou en avant et là ce n’est pas le cas.» Selon lui, «la transformation devait être retapée avec interdiction de charge cette fois-ci. C’est la règle !»

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Dans les colonnes de L’Équipe, l’ailier des Bleus, Louis Bielle-Biarrey, a tenu à dédouaner l’arbitre néo-zélandais. «On l’a un peu débriefé. C’est vrai que quelques situations ne tournent pas en notre faveur. Mais ce n’est pas sur deux ou trois petites actions qu’on perd le match, estime-t-il. L’arbitrage n’a pas été avec nous mais on a été trop imprécis sur certains domaines. C’est peut-être la goutte d’eau qui fait déborder mais le vase était déjà bien rempli.»

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